Mais la motivation du Picard reste intacte

Dixième du Championnat de France de la Montagne à l’issue de la saison 2015, Patrick Watin avait l’espoir d’améliorer sa position au terme d’une nouvelle campagne. Mais il était écrit que sa saison 2016 ne serait pas celle de la réussite, et une violente sortie de route sur la Course de Côte de Vuillafans mettra un terme à ses espoirs. Il en faut toutefois plus pour démotiver le Picard, qui devrait à nouveau aligner sa F3000 sur les manches inscrites au calendrier du Championnat 2017.

Lorsque l’envie de courir vous tenaille les tripes depuis de nombreuses années, il est tout à fait légitime que votre regard se porte sur un monument quand se présente enfin l’opportunité de s’installer derrière le volant d’une voiture de course. C’est pour cela qu’en 1983, c’est sur le Mont-Dore que Patrick Watin disputait sa première course de côte.

L’Alpine A310 et le Mont-Dore pour débuter
Pourtant, s’il n’avait tenu qu’à lui, il n’aurait pas attendu d’avoir 27 ans pour prendre part à sa première compétition. Seulement, la course dépend très souvent des budgets que l’on peut y consacrer, et dans ce domaine, le Picard ne disposait pas d’une manne suffisante pour assouvir sa passion.

C’est au volant d’une Alpine A310 que Patrick découvrait la course de côte. Une voiture qu’il conservera durant trois saisons, avant de la troquer contre une Berlinette silhouette A110, motorisée par un moteur de 1996 cm3. Une auto plus performante, qui allait permettre à Patrick d’accumuler les bons résultats, et de décrocher, à la fin des années 80, un titre de Vice-champion de Ligue Ile de France. Constamment en progression, il montait l’année suivante sur plus haute marche du podium.

Sa fidélité à la Berlinette durera une dizaine d’années, avant que Patrick ne fasse l’acquisition d’une F2, en l’occurrence une Martini MK 58, passablement accidentée. Il s’attaquait alors à la reconstruction de cette voiture, avec laquelle on le verra évoluer l’espace de quatre saisons. Pur amateur, Patrick Watin consacrait la majorité de ses loisirs à la compétition automobile. Mais une autre priorité se présentait alors à lui, la construction d’une maison. Le Picard décidait donc de mettre entre parenthèse le sport automobile, pour se consacrer à l’aménagement de son nouveau foyer.

Le retour au volant d’une F3000
Une fois dans ses meubles, l’envie de retrouver les sensations propres au pilotage d’une auto de course se faisait rapidement ressentir. Aidé par une connaissance qui l’initié à l’informatique, le pilote natif de Beauvais se mettait en quête d’une nouvelle monture pour remplacer la F2, dont il était toujours propriétaire. Patrick avait alors l’intention d’acheter un Proto, avant de tomber sur une annonce proposant la vente d’un châssis de F3000 Lola B99/50. Dans l’esprit de Patrick, c’était là l’auto idéale sur laquelle il pouvait intégrer le moteur de sa F2. Mais le Picard comprenait rapidement qu’il était dommage de dénaturer un tel bolide, et une nouvelle fois, aidé par son ami informaticien, il se mettait à la recherche d’un moteur et d’une boîte de vitesses. Après de nombreuses recherches, c’est finalement c’est chez Lola que Patrick trouvait une boîte, et chez Zytek le moteur qui allait propulser sa F3000.

Il s’attelait alors à réunir les budgets nécessaires, pour finalement être au départ de la saison 2010. Dans le même temps, il profitait d’une période de soldes chez Lola, ce qui lui permettait d’acquérir deux coques et de nombreuses pièces, très utiles pour pallier aux éventuelles casses.

Conscient que le pari de la F3000 était osé, Patrick Watin ne faisait pourtant aucun complexe, et c’est sur les pentes du Mont-Dore qu’une nouvelle fois, il débutait une seconde carrière. L’intention était alors, de prendre part lors des saisons à venir, à l’ensemble des épreuves inscrites au calendrier du Championnat de France de la Montagne.

La tragédie et les doutes
Il y a trois ans, l’épouse de Patrick était emportée par la maladie. Très affecté, le pilote picard traversait une période particulièrement difficile. Non seulement il perdait celle qui partageait sa vie, mais également sa passion. Hésitant sur la suite à donner à sa carrière sportive, Patrick, persuadé que son épouse aurait refusé un quelconque renoncement, décidait de poursuivre.

Malgré la difficulté que représentait une approche de la course en solitaire, Patrick décidait de s’engager sur l’ensemble du Championnat, toujours au volant de sa F3000 Lola B99-50 Zytek. Pur amateur, le pilote de l’Oise ne fait pas du résultat sa priorité. C’est avant tout pour son plaisir, largement partagé par les spectateurs, qu’il s’installe au volant de sa monoplace. En disputant l’intégralité du Championnat de France de la Montagne au volant d’une F3000, avec quasiment aucun soutien et un budget très limité, Patrick Watin démontre que la passion peut-être un fabuleux moteur. Et même s’il ne recherche pas la performance pure, sa régularité lui ont permis, à l’issue de la saison 2015, de se retrouver à la 10ème place du Championnat de France de la Montagne.

Une nouvelle saison en F3000
Motivé par les bons résultats obtenus en 2015, Patrick Watin décidait de repartir en 2016 pour une nouvelle campagne sur notre Championnat, avec comme principal objectif de faire, si possible, mieux encore : « J’espérais à nouveau pouvoir bien évidemment me faire plaisir et améliorer encore mes chronos. Mais je savais qu’avec un budget toujours très limité, je ne pouvais pas m’attendre à des miracles », reconnait Patrick.

La F3000 avec laquelle il anime le championnat n’a subi aucune modification durant l’intersaison : « Cela fait cinq ans que je n’ai pas apporté la moindre évolution à la voiture, je me suis une nouvelle fois concentré sur les réglages, mais sans rien faire sur cette auto qui est strictement d’origine, telle qu’elle était lorsqu’elle a terminé sa carrière en circuit. Le seul apport que j’ai pu faire, lors de son acquisition, c’est de changer les amortisseurs afin de les adapter aux contraintes de la course de côte. »

« C’est une catastrophe ! » se contente de dire Patrick lorsque l’on évoque Bagnols-Sabran et le drame qui a marqué ce premier rendez-vous de l’année. Pour lui, comme pour beaucoup d’autres montagnards, la saison débutait réellement sur les pentes du Col Saint-Pierre.

Lors de sa participation à la secondes épreuve gardoise de la saison, le Picard pensait être en mesure de tirer parti de la vélocité de sa F3000 : « Je n’ai pas eu de chance. J’espérais sincèrement mettre à profit la dernière montée pour améliorer mes chronos qui, jusqu’alors, étaient un peu en deçà de mes attentes. Mais la pluie a fait son apparition sur le bas du parcours. J’ai tempéré sur le premier tronçon, mais je n’ai pas pu progresser comme je le souhaitais. »

A Abreschviller, c’est là encore une météo capricieuse qui mettait à mal les prétentions de Patrick Watin : « Au moment où, sur la ligne de départ, le directeur de course m’expliquait qu’il y avait un changement d’adhérence sur une partie de la montée, la neige a fait son apparition. J’étais en slick, et quand j’ai vu les premiers flocons tomber, je savais que j’allais devoir faire preuve d’énormément de prudence. Certains ont été apparemment plus chanceux, mais c’est la course, on ne peut rien y faire. »

En Normandie, à l’occasion de la Course de Côte d’Hébécrevon, le soleil se décidait enfin à être de la partie. Des conditions bien plus appréciées par Patrick qui en profitait pour s’imposer dans sa classe : « C’est une victoire dont je ne peux tirer aucune fierté puisqu’elle se fait au détriment de Geoffrey (Schatz) qui est contraint à l’abandon. J’étais un peu déçu pour lui, et pour être tout à fait honnête, je n’ai pas été moi-même très performant sur cette épreuve. A mon avis, j’aurais dû mieux faire au classement général, et je dois assumer cette contre-performance », confie Patrick que l’on retrouve au 25ème rang du scratch. « Je dois reconnaitre que c’était un peu compliqué pour moi, car j’avais fait le déplacement tout seul, et que j’ai dû, tout au long du week-end, assurer la logistique et l’assistance. Ce n’est jamais évident. »

C’est une nouvelle fois en solitaire que Patrick abordait la Course de Côte de La Pommeraye. Malgré tout, le Picard tentait de trouver de la motivation, avant qu’une nouvelle fois, la pluie le stoppe dans son élan : « Bien évidemment, je n’ai pas été le seul à être victime des caprices de la météo, mais j’avais à ce moment-là de la saison le sentiment que ça ne voulait pas sourire. »

S’il avoue qu’il est satisfait d’avoir pu repartir de Saint-Gouëno en ayant glané quelques points au championnat, Patrick n’est pas pour autant réellement content de son week-end breton : « Ça aurait pu être beaucoup mieux, mais là encore j’étais seul, et il m’était difficile de trouver la motivation nécessaire. J’ai vraiment le souvenir que ce début de saison n’a pas été évident pour moi. Effectuer les trajets en étant seul, et ensuite être dans la contrainte d’assurer soi-même tous les paramètres qui rentrent en compte durant un week-end de course, est souvent très compliqué. »

C’est accompagné d’un collègue de travail que Patrick débutait la deuxième partie de saison, en se rendant à Marchampt en Beaujolais : « Même si c’est quelqu’un qui n’a pas réellement la passion du sport automobile, cela facilite tout de même grandement les choses que de pouvoir partager sa course. Cela m’a permis notamment de retrouver mes marques, d’être plus motivé, et j’avoue avoir passé un bien meilleur week-end. »

Accident et fin de saison à Vuillafans
Remotivé par sa prestation à Marchampt en Beaujolais, Patrick Watin abordait la Course de Côte de Vuillafans avec l’envie d’en découdre. Le Picard savait toutefois qu’il n’était pas sur l’épreuve Franc-Comtoise dans les meilleures dispositions, puisque son budget limité lui interdisait de disposer de pneus neufs.

Samedi, Patrick abordait les essais sur un rythme plutôt sage, attendant impatiemment la journée de dimanche : « Je savais que je pouvais largement améliorer mes chronos. J’avais alors une importante marge de progression », estime-t-il. « J’avais du monde autour de moi, j’étais motivé, tout était en place pour que je réalise une performance à la hauteur de mes espérances. »

Difficile de savoir si c’est un excès de motivation, ou une usure avancée de ses pneumatiques, qui seront à l’origine de la violente sortie de route qui mettra un terme prématuré à sa saison : « J’étais vraiment bien, sur un bon rythme, lorsque, dans la parabolique, la voiture a décroché des quatre roues. J’étais à fond de quatre et je pensais que ça devait passer, mais malheureusement l’auto est partie en glisse et j’ai heurté violemment la falaise. »

Par chance, Patrick sortait indemne de cet accident, même si, durant les jours suivants, de nombreuses courbatures viendront lui rappeler la violence du choc : « J’ai eu beaucoup de chance, mais j’ai détruit la coque et tout un côté de la voiture. Après, pour ceux qui laissent entendre que les F3000 ne sont plus sûres, je peux leur confirmer que les coques sont vraiment sécurisées. »

C’est bien évidemment la déception qui prime lorsque l’on évoque avec Patrick Watin le bilan de sa saison 2016 : « Les premières épreuves, perturbées par la pluie, ne m’ont pas offert leur lot de satisfactions. J’ai de plus un partenaire qui devait m’apporter un soutien financier qui m’aurait été très utile, et qui s’est débiné au dernier moment. Ensuite il y a eu l’accident de Vuillafans qui m’obligeait à mettre un terme à ma saison. Non, franchement, je ne vois rien de positif. »

Comble de malchance, Patrick devait faire face à des travaux entrepris dans sa rue, et qui empêchaient l’accès de son camion à son domicile, et donc d’entreprendre le plus rapidement possible la reconstruction de sa F3000 : « Initialement les travaux devaient s’achever à la fin du mois de juin, et ils se sont terminés fin septembre. Cela m’a fait perdre énormément de temps. »

Déception pour lui-même, mais également pour tous ceux qui l’ont suivi une nouvelle fois cette saison : « Je tiens à remercier mes proches qui m’ont toujours soutenu, ma famille, mes amis et tous ceux qui m’ont aidé à courir. Un grand merci également à mes partenaires, Vulco Pneus à Saint Leu d'Esserent, au Garage Benoist à Fitz James, à GC Innovation outils de toilage à Connerré, et merci encore à Ludovic Klersy. »

Une nouvelle campagne prévue pour 2017
Malgré le retard pris, Patrick compte bien mettre les bouchées doubles pour terminer la reconstruction de sa F3000 Lola B99-50, avant que ne soit donné le coup d’envoi de la saison : « Je vais tout faire pour être au départ de la Course de Côte de Bagnols-Sabran, mais aujourd’hui je ne peux rien garantir. Je dois récupérer ma coque qui doit être repeinte, et je me dis qu’en F1, ils sont capables de changer une coque en une nuit, moi j’ai un mois et demi… » lâche-t-il goguenard. « Une chose est sûre, je vais repartir sur le Championnat. Tant que physiquement je me sens en mesure de rouler en F3000, je continuerai », confie le Picard qui, d’un point de vue professionnel, devrait cette année faire valoir ses droits à la retraite.


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