L’Isérois dans les pas de son illustre père

Lorsque Bernard Chamberod disputait ses premières courses de côte, il ne pouvait imaginer qu’il deviendrait quelques années plus tard, le papa d’un fils qui tenterait de prendre la relève. Au début des années 2000, alors que Bernard Chamberod accumulait les titres de Champion de France de la Montagne, c’est avec énormément d’intérêt mais en toute discrétion que Damien suivait les prestations de son illustre père. Présent sur les épreuves depuis sa plus tendre enfance, Damien avait pris le parti de rester en retrait, préférant suivre les courses au bord de la route, plutôt que d’arpenter les paddocks pour tirer profit de l’immense popularité dont jouissait son papa.

D’ailleurs, s’il a toujours baigné dans le monde de la course de côte, lorsqu’il a décidé à son tour de prendre le volant, beaucoup parmi les anciens ignoraient que Damien était le fils du quintuple Champion de France : « Aujourd’hui encore, certains me demandent si j’ai un lien de parenté avec Bernard Chamberod, surpris qu’il ait un fils dont ils ignoraient l’existence », confie Damien, visiblement satisfait d’avoir pu accompagner le parcours paternel en toute discrétion. « J’ai toujours suivi les épreuves comme un spectateur lambda, sans mettre en avant que le champion qui faisait l’admiration des passionnés était mon père. »

D’ailleurs, Damien n’hésite pas à avouer que, s’il était admiratif du parcours de son géniteur, il n’avait pas de passion particulière pour la Course de Côte. Sportif dans l’âme, c’est le football qui, dans sa plus tendre enfance retenait son attention. Supporter de l’Olympique de Marseille, fan du Chris Waddle de l’époque où la cité phocéenne jouait les grands d’Europe, Damien n’avait pas d’attirance particulière pour la compétition automobile.

Premiers pas en karting
Mais une fois le permis en poche, la génétique reprenait ses droits, et c’est tout naturellement que Damien s’installait derrière un volant de course. Des débuts qui se voulaient aussi discrets que le personnage, puisque ce n’est pas dans l’habitacle d’une auto surpuissante qu’il faisait ses premières armes, mais en karting : « J’ai disputé pendant trois ans le Championnat de Ligue Rhône-Alpes, et ensuite durant deux ans la Coupe de France Rotax Max. » Deuxième de sa Ligue, Damien se qualifiait pour la demi-finale de la Coupe de France, à Lille, où il accrochait la troisième place et son ticket pour la finale : « La Finale avait lieu à Lyon, mais quelques jours avant je suis allé donner un coup de main à mon père qui disputait le Mont-Dore. Malheureusement, une erreur d’inattention a fait que je me suis retrouvé avec les pieds coincés sous une roue. Je suis parti en arrière, et je me suis cassé le poignet. »

Damien Chamberod, Course de Côte, NormaImpossible dans ces conditions de s’aligner à la finale, et comme un malheur n’arrive jamais seul, Damien allait connaitre d’autres déconvenues : « Nous avons été par la suite victimes d’un cambriolage, et on m’a volé tout mon matériel, ce qui m’a contraint à mettre un terme à la compétition. » Damien raccrochait alors casque et gants pour retrouver le ballon rond : « Pendant dix ans, j’ai joué au football dans mon club de Noyarey, tout en faisant des économies car j’avais dans la tête de revenir un jour à la Montagne. Mais je tenais à être totalement autonome, je m’étais fixé comme règle d’or de me débrouiller tout seul, d’où l’idée de réunir le budget au fil des saisons. »

C’est une nouvelle fois en spectateur que Damien revenait assister aux Courses de Côte : « Je voulais prendre la température, voir comment avait évolué les choses. Rapidement, j’ai eu l’envie d’acheter un Proto CM, ce qui me paraissait la catégorie la mieux adaptée pour débuter. »

L’idée fait son chemin, Damien prend des contacts pour acquérir une auto, et c’est dans cette optique qu’il se rend à Chamrousse en 2012 : « Et là, j’ai eu la chance de rencontrer Norbert Santos qui m’a bien évidemment connu lorsque j’étais tout gamin. Je me suis présenté à lui, il s’est immédiatement souvenu de moi et nous avons entamé une longue discussion », se souvient Damien. « Lorsque je lui ai fait part de mon intention d’acheter un Proto CM, il m’a dit de l’appeler en fin de saison parce qu’il avait peut-être quelque chose à me proposer. »

Une Norma pour débuter en Course de Côte
N’étant finalement pas persuadé que le Proto CM soit la meilleure option, Damien reçoit favorablement la proposition de Norbert Santos qui lui a trouvé une Norma pour la saison 2013 : « Je sortais un peu du budget que je m’étais fixé, mais c’était alléchant et j’ai pensé que je devais faire l’effort », avoue Damien. « Je reconnais avec le recul que le pari était osé, il m’a fallu un certain temps pour m’adapter à une voiture aussi performante. »

En cette année 2013, Damien décidait donc de se lancer dans les traces de son père, sans pour autant délaisser le football : « Je continue à jouer car cela me permet d’entretenir ma conditions physique. Nous faisons trois entrainements par semaine, ce qui est important pour moi, car pour être bien dans ma tête, j’ai besoin d’être bien physiquement. »

Damien Chamberod, Course de Côte, NormaPour Damien, l’approche de la Course de Côte est alors limpide, le seul objectif est de se faire plaisir. Mais lorsque l’on s’appelle Chamberod, les choses ne sont pas aussi faciles. Des esprits étroits ne manquent pas de faire la comparaison avec son père, tout en laissant entendre qu’il est bien plus facile d’accéder à la compétition lorsque l’on est le fils d’un quintuple Champion de France, ce qui est pourtant loin d’être le cas… Dans ces conditions, il n’est pas évident de débuter avec comme seule préoccupation l’envie de se faire plaisir.

D’ailleurs, à cette époque Damien hésite, si l’envie est fortement ancrée, il sait qu’il lui sera difficile de faire passer le message auprès des siens : « Il m’a fallu un mois pour annoncer à mes parents que j’avais acheté une auto de course. Je savais que ça aurait du mal à passer, notamment auprès de ma mère qui avait vécu des moments difficiles à cause de la course automobile », confie Damien. « Au mois de janvier, je me suis lancé pour leur avouer que j’avais acheté une Norma. Ce ne fut pas simple pour eux, mais ils ont accepté la chose. Pour être honnête, mon père s’est immédiatement intéressé au projet. »

Damien clarifie alors la situation avec son père, lui expliquant qu’il veut essayer de courir en Course de Côte uniquement pour le plaisir : « Je lui ai dit que, si en fin de saison, je ne prenais aucun plaisir, que les sensations n’étaient pas bonnes, je revendais tout et je passais à autre chose. »

Durant la saison 2013, Damien prenait part à trois manches du Championnat de France, Dunières, Chamrousse et Limonest. L’occasion pour lui de se retrouver confronté à Geoffrey Schatz, qui évoluait alors au volant d’un Proto 2 Litres : « J’ai de l’admiration pour deux pilotes. Mon père, qui a un parcours totalement atypique, et Geoffrey parce qu’il a un talent exceptionnel, et que je sais qu’il n’est pas facile d’être le frère du Champion en titre. Cette année-là, Geoffrey bat tous les records et il me colle une seconde au kilomètre », se souvient Damien. « Mais l’objectif n’était pas de le défier, mais de prendre un pied d’enfer, ce qui fut le cas. »

Damien Chamberod, Course de Côte, NormaAprès une année de découverte, Damien aborde la saison 2014 avec un programme un peu plus étoffé, mais comme une année d’apprentissage : « Je voulais continuer à me faire plaisir en essayant de mieux cerner le comportement de l’auto. Au final, je parviens à atteindre cet objectif, tout en signant quelques bons résultats. »

2015 : Des débuts fracassants
La saison 2015 permettra à Damien Chamberod de franchir un cap supplémentaire en s’engageant sur six manches du Championnat de France, dans le cadre du Challenge Open CN/2 : « J’aurais aimé y venir avant, mais financièrement ce n’était pas possible. »

C’est à Bagnols-Sabran, sur la manche d’ouverture du Championnat que l’on retrouvait en début de saison la Norma M20F du pilote isérois. Une première participation qui se solde par une belle deuxième place en CN/2, un dixième de seconde derrière le pilote local Nicolas Massu : « Une nouvelle fois, je me suis dit ça veut pas ! Sur le moment c’est sûr que c’est frustrant de terminer aussi près de la victoire, mais à la réflexion, c’est un excellent résultat. Je ne pensais pas être aussi rapide alors que je découvrais Bagnols-Sabran, qui est une épreuve spécifique avec un tracé typé rallye. Je suis bien évidemment très satisfait de ce début de saison. »

Damien va connaitre d’autres motifs de satisfaction dès le deuxième rendez-vous, au Col Saint-Pierre, sur la manche européenne du Championnat de France. Sur un tracé difficile à assimiler, il s’impose en CN/2, se permettant le luxe de placer sa Norma à la huitième place du classement scratch : « Là encore je découvrais et je dois avouer que ce résultat fut une énorme surprise. Mon père m’a toujours dit que le Col Saint Pierre était l’épreuve la plus difficile du championnat. Il avait pour habitude de dire à Nicolas (Schatz) et à Lionel (Régal) que celui qui gagne le Saint Pierre, gagne par la suite le championnat. M’imposer en CN/2 pour une première participation, c’était totalement inattendu. Je dois avouer que j’ai énormément travaillé sur les vidéos embarquées, et que je me suis senti de suite à l’aise sur ce tracé », analyse-t-il. « Mon seul regret vient du fait qu’en début de saison je voulais prendre une licence internationale pour disputer si possible quelques épreuves européennes. Je ne l’ai pas fait, et je le regrette car au Saint Pierre j’aurais terminé troisième derrière Simone Faggioli et David Hauser. »

Damien alignait par la suite sa Norma sur la Course de Côte des Beaujolais-Villages. A Marchampt, il retrouvait un adversaire de poids en la personne de Yannick Latreille : « Nous n’avons pas eu un week-end facile, perturbé par des soucis mécaniques. Je suis devancé par Yannick, mais j’améliore mes temps de l’an dernier de deux secondes, et c’est ce que je veux retenir », commente Damien. « Lorsque j’ai appris que Yannick avait acheté cette auto, que je savais très performante, on a compris que nous n’aurions pas la tâche facile. Une telle auto aux mains d’un pilote aussi compétitif que Yannick, ça donne un cocktail détonnant. »

C’est une nouvelle fois Yannick Latreille qui allait donner du fil à retordre à Damien sur la Course de Côte de Dunières où l’Isérois accroche une nouvelle fois la deuxième place derrière son adversaire auvergnat : « Durant les essais, j’étais vraiment très bien. J’avais un super feeling avec la voiture. Mais dimanche, sur la première montée de course, alors que nous n’avions rien touché, je n’ai pas reconnu mon auto. Sur les trois premiers virages j’ai failli me sortir à trois reprises, et au quatrième virage elle part en tête-à-queue. A partir de là, je ne suis pas parvenu à retrouver la confiance et à me livrer totalement. »

Damien Chamberod, Course de Côte, NormaAu Mont-Dore, Damien savait qu’il allait retrouver une forte opposition, sur une épreuve difficile à aborder : « Autant je me suis senti de suite à mon aise sur le Saint Pierre, autant je ne suis pas parvenu à ’’rentrer’’ dans ce Mont-Dore. Déjà, l’an dernier, je n’étais pas spécialement à mon affaire sur ce tracé. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi, mais il y a apparemment quelque chose que je ne fais pas bien sur cette épreuve », analyse-t-il. « J’espérais la pluie, terrain sur lequel je suis à mon aise. Mais dimanche il a fait beau, et je savais qu’il serait difficile de concurrencer avec Yannick et Kévin (Durot). »

C’est un Damien Chamberod visiblement satisfait de sa saison, qui se rendra ce week-end à Chamrousse, pour sa course à domicile : « Heureux parce que je vais retrouver les animateurs du championnat, et qu’il règne entre les pilotes du CN/2 une ambiance extraordinaire. C’est vraiment super convivial, je ne peux pas citer tous les pilotes, mais j’ai d’excellents rapports avec chacun d’entre eux. On se bat comme des chiffonniers lorsque l’on a le casque sur la tête, mais ensuite on a de vrais échanges. C’est très sain, on le sentiment d’un vrai respect de chacun, sans arrières pensées, sans mesquinerie. Je connais mal les autres catégories, mais je suis ravi d’évoluer en CN/2, ne serait-ce que pour ça. »

Victoires à Donzy et au Pilat
S’il a animé le championnat de fort belle manière, Damien Chamberod s’est également illustré sur des épreuves régionales. On a pu le voir à Coligny où il accroche la deuxième place du scratch, 476 millièmes derrière David Guillaumard : « J’ai mené tout le week-end. Je suis devant aux essais et à l’issue des deux premières montées de course, et David me devance sur la dernière », se souvient-il. « Ça reste un excellent souvenir, mais sur ma première régionale de la saison, je me suis dit que je n’en gagnerais jamais une. Nous en avons même rigolé avec David alors que je commençais à ne plus y croire. »

La suite allait lui prouver qu’il avait tort, puisqu’à Donzy Damien allait monter sur la plus haute marche du podium, après avoir devancé les F3 d’Alban Thomas et Ludovic Cholley : « David (Guillaumard) a mené durant les essais avant de sortir sur la première montée de course, Alban a par la suite pris le relais avant que je ne le devance sur la dernière montée. Je ne cache pas que ce fut un moment de forte émotion. Cette victoire était importante pour moi. »

Damien récidivait sur la Course de Côte du Pilat où, malgré une sortie de route, il imposait sa Norma devant la F3 Dallara de Miguel Vidal et la Norma de Thomas Chavot.

Damien Chamberod, Course de Côte, NormaA l’heure de faire un premier bilan, Damien Chamberod ne peut être que satisfait de ses prestations : « Je remporte deux épreuves régionales et je fais deux deuxième places. En championnat, j’essaie de me battre avec les meilleurs, ce qui n’est pas toujours évident. J’attends Chamrousse avec impatience, avec l’envie de bien faire, même si je sais que, compte tenu du plateau, ça ne va pas être facile. »

L’avenir pourrait s’écrire en 3 litres
Comme pour bon nombre de pilotes, c’est le budget qui déterminera les choix de Damien pour la saison prochaine. S’il souhaite poursuivre au volant de sa Norma, il ne sait pas encore si son calendrier donnera la priorité au Championnat de France ou aux épreuves régionales. A plus long terme, son souhait serait de passer dans la catégorie supérieure et de disposer d’un moteur 3 litres : « Je me répète, mais l’objectif premier est de me faire plaisir. Je n’ai pas de prétentions particulières, je reste juste persuadé qu’un CN/3 pourrait m’offrir des belles sensations. Pour le reste, j’aimerais bien prendre part à un rallye, juste pour essayer. »

« Mon seul rêve c’est de remporter une course que mon père a gagné. Je voudrais que mes enfants et mes petits-enfants puissent lire sur un même palmarès Bernard et Damien Chamberod », confie Damien avant de poursuivre dans un large sourire. « Malheureusement, à ce jour, les courses que j’ai remportées n’ont jamais été gagnées par mon père. Je me suis imposé au Pilat et à Donzy où il n’a jamais accroché la victoire. En revanche, il s’est imposé à Bettant et à Coligny où je termine deuxième. Je n’y arrive pas » lâche-t-il, visiblement amusé par la situation.

S’il est toujours difficile de boucler les budgets, Damien sait pouvoir compter sur le soutien de partenaires qui lui permettent de réaliser ses objectifs : « Je tiens à remercier ceux qui me font confiance : Le Groupe ADN nettoyage, Isère Froid Assistance à Noyarey, l’Entreprise Roussin et Fils à Fontaine dans l’Isère, le Groupe ExpoSign, le Garage Citroën Guy Fiard. Un grand merci à r-engineering et à Benoit Dametto pour le développement de la voiture. Merci également à tous ceux qui me suivent et me soutiennent, en premier lieu ma famille et mes amis, et à l'Ecurie Alpes. »


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