Regards des photographes sur le Championnat

Qu’il pleuve, qu’il vente, où que la canicule règne en maitre, c’est avant tout animés par la passion, que les photographes œuvrant sur le Championnat de France de la Montagne arpentent tout au long de la saison les tracés des épreuves. Grâce à eux, on dispose des magnifiques clichés qui illustrent articles de presse, affiches, pages internet. Sylvie et Philippe Bouchereau, Jean-Bernard Denis et Nicolas Millet nous dévoilent leurs parcours et nous font partager leurs sentiments.

Des passions conjointes
Lorsque l’on est native d’Ornans - à quelques kilomètres de Vuillafans - et que l’on a un papa photographe, on tombe nécessairement dans le grand bain de la Course de Côte dès sa plus tendre enfance. C’est le cas de Sylvie Bouchereau qui, dès son plus jeune âge, accompagnait son père sur les éditions successives de l’épreuve Franc-Comtoise : « J’ai toujours côtoyé le monde de la Course de Côte au sein duquel je me suis épanouie. Mon papa était photographe, ce qui lui a permis en tant que bénévole de couvrir une multitude de manifestations, sportives ou festives. Il a d’ailleurs eu l’occasion de suivre la Course de Côte de Vuillafans pour l’Est Républicain. C’est lui qui m’a transmis la passion de la photographie et cette culture du bénévolat. »

Aujourd’hui, Sylvie a hérité de son papa des milliers de photos argentiques en noir et blanc, témoignage d’une époque qui a profondément marqué les esprits des passionnés de la discipline : « D’ailleurs, j’ai eu beaucoup de mal à passer au numérique », avoue Sylvie.

Pour Philippe Bouchereau, l’automobile n’était initialement pas une préoccupation première. Mais en partageant la vie de celle qui allait devenir son épouse, il ne tardait pas à partager sa passion pour les voitures de course. Aujourd’hui, Sylvie et Philippe sont complémentaires dans leur approche de la photographie : « J’ai beaucoup plus d’attirance pour les portraits que pour les photos d’action », reconnait Sylvie. « C’est très bien, puisque Philippe a une approche opposée et que finalement nous nous complétons assez bien. »

Natif de Lyon, Jean-Bernard Denis qui était auparavant gérant d’une société d’ambulances, n’était pas prédestiné à devenir photographe. Mais la photographie étant une passion familiale héritée de son père, Jean-Bernard réalisait, dès son plus jeune âge des montages de diapositives… Pour ce qui est du Sport Automobile, c’est Christian Riehl, animateur du Championnat de France de la Montagne VHC, qui sera à l’origine de la passion que Jean-Bernard allait vouer à la Course de Côte. Ce dernier incitait en effet notre photographe à s’installer derrière le volant et à faire son apprentissage avec une Autobianchi Abarth A112 : « Durant les années 80, j’ai dû disputer une soixantaine d’épreuves, et quelques rallyes en copilote. Pour ce qui est de la Montagne, j’ai pris part à la Course de Côte de Limonest au volant d’une Renault 11 Turbo appartenant à Chantal Riehl. Ensuite, j’ai roulé avec une Martini MK 7. »

J.B, puisque tel est son surnom dans les paddocks, assouvissait conjointement deux passions, la course automobile et la photographie : « Après avoir fait une formation ayant pour but de me familiariser avec la prise de vue et le montage, j’ai créé un site internet dédié aux Véhicules Historiques de Compétition en Course de Côte. » Par la suite, c’est tout naturellement qu’en 2014, le nouveau promoteur du Championnat de France de la Montagne s’attachait les services de J.B pour couvrir l’ensemble des épreuves.

Lorsqu’il était enfant, Nicolas Millet suivait régulièrement son père qui donnait la main à un pilote pour l’aider lors des assistances. Avec comme seul objectif de garder des souvenirs de ces moments privilégiés, Nicolas prenait des photos à l’occasion de ces week-ends de course : « et puis je me suis pris au jeu et la photo est rapidement devenue une seconde passion », explique Nico.

Encore adolescent, il débutait une première collaboration avec ’’Baquet Magazine’’ à qui il fournissait photos et rédactionnel : « Après l’arrêt de l’aventure avec ce mensuel, et une fois le bac en poche, j’ai décidé de créer ma propre structure pour voir si j’étais en mesure de vivre de ma passion. »

A tout juste 20 ans, Nicolas Millet se créait rapidement une clientèle de fidèles, parmi des pilotes conscients de la qualité de son travail : « A mes débuts j’étais présent sur quelques manches du Championnat de France de la Montagne et également sur quelques rallyes… Mais la Course de Côte reste mon terrain de prédilection, mon univers, et je n’ai pas tardé à couvrir l’ensemble du Championnat », ajoute Nicolas.

Le talent du jeune Franc-Comtois était rapidement reconnu, au point que des opportunités s’offraient à lui pour proposer ses services à l’international : « Cela m’a permis de me déplacer sur des manches du WRC, lors du Monte-Carlo, en Suède, sur le Tour de Corse, en Sardaigne, au Portugal, et sur le Rallye de Catalunya. » Durant deux saisons, Nicolas sera présent sur les manches du Championnat de France des Rallyes asphalte et terre, et sur le Championnat GT4 en Circuit : « Entre les courses le week-end, les essais en semaine, et diverses opérations de promotion, j’arrive à couvrir 60 manifestations par an, ça laisse peu de temps de libre. »

Le choix complexe des emplacements
Pour réaliser une photo de qualité, il faut non seulement disposer de bon matériel, avoir un œil affuté, mais également trouver l’emplacement idéal, ce qui n’est pas toujours une mince affaire.

C’est bien évidemment en professionnel que Nicolas Millet aborde les épreuves. Cela nécessite un travail de longue haleine en amont : « J’étudie avant tout le règlement pour voir quel sera le programme de l’épreuve, et mettre en place une logistique afin de pouvoir couvrir les essais, les montées de course et de pouvoir capter les pilotes dans les paddocks. Je visionne aussi des vidéos pour repérer des emplacements judicieux. La quête d’un bon ’’spot’’ n’est jamais facile, car en Course de Côte il n’est pas évident de se renouveler. Ensuite, en ayant la chance de me déplacer avec les vidéaste, Gilles (Huntzinger), Thomas (Gasser) et Fabien (Iecker), nous effectuons ensemble des reconnaissances dès que nous arrivons sur les épreuves, cela afin de vérifier que les ’’spots’’ retenus sont parfaitement adaptés à nos exigences. Il faut tenir compte de la végétation, de la mise en place de rubalise qui en l’espace d’un an a pu changer. »

« Avec le temps on connait parfaitement les tracés des épreuves du Championnat », reconnait Sylvie Bouchereau. « J’avoue que c’est parfois un peu lassant de se placer systématiquement au même endroit et on essaie toujours de faire différemment de ce que l’on a pu faire les années précédentes… Après c’est une question de logistique, et on ne dispose pas toujours des moyens adaptés pour rejoindre un endroit donné, ce qui limite le champ d’action. »

Sylvie garde constamment à l’esprit que la course automobile est un sport dangereux et qu’il faut savoir ne pas tenter le diable : « Il faut trouver le bon compromis. L’an dernier, sur une zone sécurisée, une voiture est sortie à quelques centimètres de Philippe. On doit donc rester constamment vigilant. »

La sécurité est pour Jean-Bernard Denis la priorité impérieuse : « C’est ce qui détermine avant tout le choix de mon emplacement. Même si a priori tu te trouves dans une zone sécurisée, tu n’es pas à l’abri d’une casse mécanique, d’un élément qui se désolidarise de la voiture. Ca peut être un rétroviseur, une roue, n’importe quel élément, et de ce fait il faut en tenir compte et ne pas provoquer bêtement le destin. »

Météo, luminosité et autres difficultés
Pluie, orages, vent violent, températures avoisinant les zéros degrés où forte canicule, les photographes doivent composer avec les caprices de la météo, et ce n’est pas toujours chose facile.

Mais pour un photographe, une météo capricieuse n’est pas nécessairement un ennemi : « On peut toujours s’adapter au manque de luminosité », estime J.B. « Mon attention est plus basée sur tout ce qui pourrait ’’polluer’’ la photo, les divers éléments perturbateurs qui gâche l’environnement… La plus grosse difficulté c’est finalement de dynamiser une photo qui par définition est statique. Pour cela il faut anticiper les appuis des voitures, les trajectoires. »

Dans sa quête du meilleur emplacement, Jean-Bernard Denis, considère que le dialogue avec les commissaires est primordial : « Par principe je vais saluer les commissaires à chaque poste où je passe, et je tiens bien évidemment compte de leur remarques et de leurs recommandations. »

Sylvie Bouchereau reconnait pour sa part qu’elle n’est pas adepte des caprices météorologiques : « En 2019, nous avons eu des épreuves sur lesquelles il faisait vraiment très chaud, et je reconnais que c’était compliqué » confie-t-elle.

La météo peut jouer un rôle important, Nicolas Millet le confirme : « Un emplacement peut représenter un réel intérêt sous le soleil et n’avoir aucun intérêt sous la pluie. Mais inversement, il y a des ’’spots’’ parfaits lorsque la route est détrempée qui sont inintéressants sur le sec. Il faut tenir compte de l’ensemble des ces paramètres. Abreschviller sous la pluie permet, par exemple, de faire de magnifiques photos. »

Comme ses ainés, Nicolas Millet tient bien évidemment compte de l’aspect sécuritaire au moment de s’installer. Il reconnait également que la difficulté à se déplacer sur un tracé lorsque l’on veut ’’shooter’’ à deux endroits différents lors d’une même montée, n’est jamais facile à gérer : « L’aspect logistique est vraiment capital, et sur une route de montagne, c’est parfois un peu casse-tête. »

La reconnaissance comme principale satisfaction
Réaliser de beaux clichés n’est pas chose facile. Mais lorsque l’on y parvient, la satisfaction est au rendez-vous. Elle peut être quantifiée de différentes manières selon l’approche de chacun.

Nicolas Millet met un point d’honneur à satisfaire ses différents clients. Pour le jeune photographe, tout doit être mis en œuvre pour que les pilotes à qui il fournit des photos disposent d’une prestation de qualité : « C’est bien évidemment ma première satisfaction et je sais que je n’ai pas le droit de me relâcher. Il faut que mon travail plaise, c’est un impératif. » Nicolas reconnait que, parfois, le rendu de certains clichés est au-dessus de ses attentes, « et ça aussi c’est particulièrement enthousiasmant, on a parfois de bonnes surprises… Après, c’est toujours gratifiant de voir qu’une de mes photos figure en couverture du Guide de la Montagne, apparait sur une affiche d’une épreuve où sur les communiqués officiels de la FFSA. C’est pour moi la reconnaissance de mon travail. »

Pour Sylvie Bouchereau, le plus gênant, parfois, peut venir du manque de considération de certains acteurs de la discipline : « Nous sommes là en qualité de bénévoles, et nous essayons de satisfaire les demandes de nombreuses personnes. C’est parfois dérangeant lorsque certains réagissent comme si tout leur était dû. Notre seul salaire c’est la reconnaissance, elle n’est pas toujours au rendez-vous. Mais heureusement, il y a toujours une satisfaction personnelle lorsque l’on réalise un cliché à la hauteur de nos attentes. Parfois, on sait qu’une photo va marquer les esprits, et c’est tout de même très plaisant. »

La reconnaissance est également l’élément le plus motivant pour Jean-Bernard Denis : « Rien ne me fait plus plaisir que quand un pilote me demande s’il peut disposer d’une photo qu’il a pu trouver sur internet. Bien évidemment j’accepte toujours d’envoyer mes clichés car pour moi, le sentiment d’avoir réalisé une belle photo est une récompense. »

Pour de nombreuses années encore…
Nicolas Millet représente l’avenir… A 23 ans, le photographe du Doubs sait qu’il a encore une marge de progression et l’envie d’évoluer sur sa discipline de cœur : « Je sais que je peux toujours mieux faire, et je m’y attelle… Bien évidemment je souhaite poursuivre mon investissement sur le Championnat de France de la Montagne, et je rêve un jour de pouvoir faire une saison sur une discipline majeure comme la Formule 1 ou en WRC. Je suis curieux de nature, et je ne m’interdis pas d’aller un jour couvrir du Rallycross ou une autre discipline. »

Sur les épreuves, Jean-Bernard Denis installe son camping-car dans les paddocks de VHC avec qui il passe l’essentiel de ses week-ends : « C’est devenu une seconde famille. Beaucoup pense que je suis le photographe des VHC, alors que ce n’est pas le cas puisque je fournis les photos de l’ensemble des animateurs de la discipline. Avec le temps, j’ai créé des affinités avec les concurrents évoluant en Moderne et je suis à présent très bien accueillis dans les paddocks, ce qui est particulièrement agréable. »

A 73 ans, Jean-Bernard Denis n’a pas du tout l’intention de mettre au placard ses ’’boitiers’’ : « Tant que physiquement j’en aurai les capacités, je serai là. La passion est intacte, j’ai même le sentiment qu’elle s’accroit au fil des ans. D’ailleurs, en cette période de confinement, le manque se fait sentir. »

Pour Sylvie et Philippe Bouchereau passion et envie sont toujours intactes, et ils aimeraient bien évidemment continuer durant de nombreuses saisons à couvrir les épreuves du Championnat de France de la Montagne : « Après ça devient parfois compliqué d’assumer l’intégralité des déplacements, mais on espère continuer à assouvir notre passion le plus longtemps possible. »

A l’heure de conclure, Nicolas Millet veut avoir une pensée pour ceux qui lui permettent aujourd’hui de vivre de sa passion : « J'aimerais remercier tous mes clients ainsi que les personnes avec qui j'ai collaboré, ainsi que les organisateurs, bénévoles, commissaires, speakers et personnes de l'ombre pour leur travail accompli, mes amis photographes/vidéastes, ainsi que tous mes amis proches avec qui on partage d'excellents moments (Ils/elles se reconnaitront) », commente Nicolas.

Jean-Bernard Denis tient lui aussi à remercier ceux qui lui ont permis de vivre pleinement cette passion : « Grâce à eux je m’épanouis pleinement dans un monde qui m’apporte de belles satisfactions et j’espère que cela durera longtemps encore. »


Propos recueillis par Bruno Valette ©

 


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