De quoi être enthousiaste pour l’avenir

Cela fait trois ans que Thomas Bonatre, et son père Guillaume, ont pour projet de lancer un Proto ADR sur le Championnat de France. Trois années de déboires et de déconvenues qui n’auront en rien entamé la persévérance du père et du fils, qui durant cette saison 2016 auront pu enfin faire rouler leur Proto, et en assurer le développement.

Lorsqu’au début des années 80, Guillaume Bonatre devenait le fier papa d’un petit Thomas, cela faisait déjà quelques années qu’il assouvissait sa passion de la compétition automobile. Rallyes, circuits, slaloms, courses de côte, Guillaume Bonatre était une pilote multidisciplinaire, et c’est dans cet environnement mélangeant odeur de carburant et vrombissements de moteur, que Thomas allait faire ses premiers pas.

S’il sait que c’est au volant d’une Rallye II que son père a connu ses premières expériences de pilotage, Thomas n’est plus en mesure de se souvenir de tous les bolides qui se sont succédé à la suite de cette vénérable Simca. En revanche, il a gardé à l’esprit le Proto Chartier, issue de la Coupe de l’Avenir, et la Lola F2, deux autos aux volants desquelles il aura lui aussi l’occasion d’évoluer.

Bercé par les bruits de moteurs, Thomas ne s’orientait pas pourtant directement vers les sports mécaniques. Curieux de nature, attiré par des sports parfois peu conventionnels, il prenait part à des compétitions tant sur des terrains de handball, qu’à la rame à bord d’un canoë-kayak, ou raquette en main sur un court de tennis. Mais la passion pour les sports mécaniques était fortement ancrée dans l’esprit du jeune Thomas, ce qui l’incitera à faire, durant un court laps de temps, du motocross. Il prenait rapidement conscience que la probabilité de se fracturer un membre, était nettement plus importante dans cette discipline, que de devenir champion, ce qui l’encourageait à se tourner par la suite vers le karting, mais uniquement en loisir.

Les débuts en Proto Chartier
En 2002, Thomas Bonatre fêtait ses 20 ans, et prenait part à ses premières épreuves, des slaloms régionaux, qu’il abordait au volant du Proto Chartier de son père. Cet apprentissage sur les slaloms, le pousseront à se tourner l’année suivante vers la course de côte. Durant trois saisons, Thomas alternait entre les deux disciplines, avant de délaisser le Proto Chartier pour s’installer en 2005 derrière le volant de Lola F2, pour participer à quelques épreuves. Durant cette saison, le père et le fils se partageait entre circuit et courses de côte, ce qui en définitive ne permettait pas à Thomas de disposer d’un programme substantiel.

Diplôme d’ingénieur en mécanique en poche, Thomas Bonatre avait alors comme souhait de travailler à l’étranger, histoire notamment de parfaire son anglais. Mais c’est en Belgique qu’il trouvait un premier emploi, une nouvelle vie qui l’obligeait à prendre du recul avec la course, et à se contenter de suivre son père sur les épreuves. En 2008, père et fils allaient pour la première fois partageait réellement le volant, en s’alignant au départ des 24 Heures 2 CV sur le circuit de Spa Francorchamps.

En manque de compétition, Thomas Bonatre décidait de faire son retour, par le biais du VHC, en s’engageant au volant de sa Lola T450, sur la Coupe de France 2010. Durant trois ans, il animait les épreuves, remportant en 2012 sa catégorie. En février 2013, Thomas et son père, décidaient d’acheter une nouvelle monture, cette fois pour disputer le Championnat de France de la Montagne, mais au sein du peloton des Modernes. L’objectif était alors non seulement de pouvoir se comparer aux pilotes du Championnat, mais également d’apporter de la diversité dans le milieu de la course de côte, « d’où le choix du Proto ADR », confie Thomas. « Selon moi, la diversité est une des spécificités de la discipline, et j’ai un peu le sentiment qu’elle se perd ces derniers temps. »

La longue gestation du projet ADR
Achetée en février 2013, la voiture devait logiquement être livrée en juin 2013… Mais c’est là que débutera pour Thomas et Guillaume, le début d’une période de galère, qui allait s’éterniser : « On a rapidement compris que nous ne disposerions pas de la voiture pour courir en 2013. De ce fait nous avons décidé de planifier correctement les choses pour débuter la saison 2014 dans les meilleures conditions », explique Thomas. Mais là encore, la conception de la voiture prenait du retard, et du côté de chez ADR, on ne semblait pas réellement enclin à accélérer les choses. « La situation devenait intenable, à tel point que nous avons décidé d’arrêter les frais, et d’aller en Angleterre pour récupérer l’ensemble des éléments qui étaient déjà fabriqués. »

De retour, Thomas et son père traversaient la manche en possession d’un Proto ADR 3 chaussé de quatre roues, d’un moteur et d’une boîte de vitesses. Manquait toute une partie mécanique et l’ensemble des éléments électroniques : « Par chance, nous avons près de chez nous la société Dinatmo, que gère Eric Bernard, et qui a fait un travail exemplaire pour terminer la voiture. » Fin août 2015, l’ADR était enfin prête à courir. Thomas se tournait alors vers l’ASA du Rhône, qui acceptait de l’accueillir en démonstration, pour faire l’ouverture de la Finale de la Coupe de France disputée à Limonest. Malheureusement, un vice caché sur la voiture entrainait la sortie de route de Thomas, qui endommageait les trains avant et arrière droits, le diffuseur, et une partie de la carrosserie.

La société ADR ayant déposé le bilan, il était difficile de trouver des pièces de rechanges, et c’est avec le moral au plus bas que Thomas passait l’hiver. Pendant plus d’un mois, la voiture restait en l’état, sur son plateau, sans que personne ne s’en préoccupe : « Moralement c’était très compliqué. Nous avions mis énormément d’énergie dans la réalisation de ce projet, et nous avions le sentiment que tout s’écroulait. » Mais tant Thomas que son père ont trop l’esprit de compétition pour ne pas rebondir. Décision était prise de relancer le projet et de réparer les dégâts.

Une petite séance sur circuit permettait à Thomas Bonatre de s’assurer du bon comportement de la voiture, avant de l’engager sur la Course de Côte de Donzy-le-Pertuis, afin de valider les réglages. Content de pouvoir enfin rouler, Thomas prenait alors conscience qu’il lui restait un long chemin à faire : « Honnêtement, je ne pensais pas que cela serait aussi compliqué. Je n’avais pas couru depuis trois ans, et les automatismes avait du mal à revenir. L’appréhension était énorme, car j’étais encore marqué par l’expérience de Limonest, et nous avions découvert durant l’hiver d’autres vices-cachées, il n’y avait pas grand-chose qui pouvait me mettre en confiance. »

Une saison de développements
Les conditions météorologiques étaient loin d’être idéales, à La Pommeraye, où Thomas Bonatre débutait sa saison dans le cadre du Championnat de France de la Montagne : « Je suis content de ce que j’ai pu faire lors des essais, du comportement de la voiture. Mais je me suis rendu compte que j’avais quelques soucis avec les freins. Des problèmes récurrents que je trainerais tout au long de la saison, mais qui sur cette épreuve n’étaient pas trop handicapants, compte tenu de l’exploitation que je faisais de la voiture », explique Thomas. Il devait également composer avec des rapports de boîte trop longs, qui ne lui permettait pas d’exploiter son ADR comme il l’aurait souhaité. « Dimanche, la journée fut catastrophique. Je ne disposais pas de pneus pluie, et je ne voulais pas risquer d’occasionner de nouveaux dégâts sur la voiture. »

Si les performances n’étaient toujours pas au rendez-vous à Saint-Gouëno, Thomas veut avant tout retenir qu’il a vécu là un excellent week-end : « Saint-Gouëno c’est toujours une grande fête. Il a fait beau, l’ambiance est très chaleureuse, l’organisation est au top, tout est réuni pour que cette épreuve soit une véritable fête du sport automobile. Même si je ne suis pas un inconditionnel de ce tracé, je prends toujours énormément de plaisir à aller là-bas. »

Avant de se rendre à Marchampt en Beaujolais, Thomas Bonatre s’engageait sur la Course de Côte de Sancerre, une course disputée pour lui à domicile, l’épreuve se déroulant à une demi-heure du domicile de ses parents : « C’est une épreuve qui compte beaucoup pour moi. Mon père m’avait fait la surprise d’avoir travaillé sur les freins, et j’étais nettement plus à mon aise, même si les rapports de boîte n’étaient toujours pas adaptés. »

Pour Thomas, le Beaujolais est certainement une des plus belles courses de la saison, et il ne cache pas qu’à l’issue de l’épreuve, il était un peu déçu du résultat : « Dans l’ensemble tout s’est bien passé, mais je reconnais qu’à ce moment-là de la saison, je m’attendais à être plus à mon aise avec la voiture. Je suis loin des chronos que je pouvais réaliser avec la Lola, ce qui est un peu décevant. »

Thomas mettait à profit la Course de Côte de Vuillafans pour poursuivre le développement de sa voiture. Il se présentait au départ avec une nouvelle entrée d’air, qui apportait un réel bénéfice au moteur : « Entre le Beaujolais et Vuillafans, mon père avait également changé les rapports de boîte. Ces nouvelles évolutions l’ont obligé à repasser la voiture au banc, et avec Eric Bernard, ils ont bossé comme des malades pour me permettre de me présenter au départ dans les meilleures conditions. La voiture était terminée jeudi soir, pour rejoindre Vuillafans vendredi matin. » Pour ce qui est de sa prestation en Franche-Comté, Thomas l’estime satisfaisante, malgré une erreur commise dimanche matin : « Sur la première montée, j’ai oublié d’enclencher le compresseur des palettes, après la dernière épingle je n’ai donc plus de boîte de vitesses et je termine au ralenti. Sur la deuxième montée, j’ai eu quelques soucis de freins, et j’espérais beaucoup de la troisième, qui a malheureusement été annulée. Mais je suis malgré tout satisfait parce que je suis parvenu à trouver un bon rythme. »

Constamment en progression depuis le début de saison, Thomas allait malheureusement connaitre une nouvelle descente aux enfers sur le Mont-Dore : « C’était ma première participation. Même si je ne connaissais pas le tracé, j’ai eu du mal à encaisser de me retrouver à trente secondes du meilleur CN/2 », avoue-t-il. « Pour couronner le tout, je suis sorti de la route lors de la deuxième montée de course, après avoir mordu un intérieur de virage. Je m’en sors sans gros dommages, mais j’ai vraiment eu peur de casser à nouveau la voiture. »

Largué par ses adversaires, Thomas comprendra par la suite d’où provenait son manque de performances : « Il nous manquait un capteur qui corrige la cartographie moteur en fonction de l’altitude. Et bien évidemment, au Mont-Dore, j’étais totalement à l’arrêt. » Malheureusement, s’il avait un doute sur les performances de son moteur, l’origine du mal ne sera pas identifiée avant Chamrousse. Et quand on sait que l’épreuve iséroise se dispute à plus de 1700 mètres d’altitude, on peut imaginer dans quel désarroi se retrouvait Thomas : « Aux essais, je me suis fait doubler par Yannick Latreille. C’est la première fois que cela m’arrivait. J’ai évoqué le problème avec Martine (Hubert) et Jean-Pierre (Troadec), qui m’ont confirmé que sans ce capteur je ne pouvais pas tirer la quintessence du moteur. J’ai roulé pour rouler, mais sans prendre aucun plaisir. »

La saison de Thomas Bonatre fut particulièrement compliquée : « A un moment je me suis posé la question de savoir s’il était opportun de continuer. Heureusement, j’ai pu disputer la Course de Côte de Tréchy, ce qui m’a permis de me rassurer sur la compétitivité de la voiture, sinon j’avoue que j’aurais terminé l’année en étant moralement affecté. » Malgré tout, Thomas veut voir des points positifs à cette saison durant laquelle il n’a jamais disposé d’une voiture correspondant à ses attentes : « Je suis assez fier d’avoir pu mener ce projet au bout. Notamment après les critiques assassines que j’ai pu entendre suite à Limonest, où certains pensaient que l’on ne verrait jamais rouler notre ADR », confie Thomas. « Il m’était difficile d’être en confiance cette saison. L’objectif était pour moi d’engranger des kilomètres au volant, et chacune des courses nous aura permis d’apporter des améliorations à la voiture. Le plus important était de revenir et de retrouver des sensations, de tester des réglages et de faire évoluer la voiture. Objectifs remplis ! »

Le projet de faire rouler une ADR sur le Championnat de France, Thomas et Guillaume Bonatre l’ont porté à bout de bras. Et s’il est parvenu à surmonter les nombreuses galères qui ont émaillé la concrétisation de ses rêves, Thomas le doit en grande partie à son père : « Il est le premier que je souhaite remercier, pour tout ce qu'il accomplit visible et invisible - sans lui il me serait tout simplement impossible de rouler et de faire tout ce que je fais. Et je suis fier de partager cette passion avec lui. Je me dois également de remercier tout le reste de ma famille qui est là au quotidien dans les bons moments comme dans les moments de doutes - un coup de boost et ça repart. Il en est de même pour les vrais amis - je ne les cite pas car ils vont se reconnaître j'en suis sûr - qui n'ont pas hésité à faire des kilomètres pour venir nous voir. »

Thomas n’oublie pas tous ceux qui ont cru au projet, et qui l’ont soutenu dans l’aventure : « Je me dois de remercier tous ceux grâce à qui l'ADR a pu prendre la piste cette saison - CSI, Dinatmo, Exact France, La Patte de Chat, LV Prestige, Publi Sérigraphie, Sprido Peinture, TPTB, Vieugué Service Plus - et un remerciement tout particulier à ceux qui avaient adhéré au Crowfunding, dont le Stig. Un dernier remerciement pour clôturer, à Martine et JP, encore merci pour le prêt des pneus à Chamrousse. Un geste inoubliable ! Je vous souhaite le meilleur... »

Compétiteur dans l’âme, Thomas Bonatre n’a pas l’intention, malgré les déboires, de jeter l’éponge. En 2017, on devrait donc revoir l’ADR sur plusieurs courses de côte : « Nous allons travailler durant la pause hivernale pour poursuivre le développement de notre Proto. Je vais repartir l’an prochain en me concoctant un calendrier composé de manches du Championnat et d’épreuve régionales. L’objectif sera avant tout d’accrocher ma qualification pour la Finale de la Coupe de France », conclut Thomas.


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