Une saison de pur plaisir sur le CFM

C’est avec le besoin d’assouvir un désir qui lui trottait en tête de longue date, et pour faire honneur à son papa aujourd’hui disparu que Stéphanie Tordeux a pris cette année part au Championnat de France de la Montagne. Une belle saison qui donne envie de mieux connaitre le parcours d’une femme qui aborde la vie comme une course… A fond !

C’est au début des années 80 que Patrice Tordeux prenait part à ses premiers rallyes sous le regard curieux et admiratif de sa petite fille, Stéphanie. L’Alpine A110 qui trônait dans le garage familial envoutait la jeune Stéphanie qui garde des souvenirs captivants de cette période. Fille unique, Stéphanie ne manquait pas de passer de longues heures avec ce papa passionné qui, sans le vouloir, aller transmettre sa passion à sa progéniture. Enfance, adolescence, tous les âges de la jeunesse de Stéphanie sont intimement liés au sport auto.

 S’il avait débuté par le rallye, Patrice Tordeux bifurquera rapidement vers la course de côte et le slalom : « Sa copilote était une amie de longue date », se souvient Stéphanie. « Et lorsqu’elle a décidé d’arrêter, mon père n’a pas voulu courir avec un autre copilote, et il a donc décidé de se diriger vers la course de côte où l’on évolue seul. »… Si de son père Stéphanie a hérité de la passion pour la compétition automobile, de sa maman elle a acquis l’attrait pour le tennis, sport individuel, qu’elle pratiquera pendant quelques années. Mais c’est vraiment la compétition automobile qui retenait son attention : « Mon caractère très réservé ne m’incitait pas à pratiquer des sports collectifs, et j’ai préféré suivre le chemin tracé par mon père », avoue Stéphanie.

Premier slalom en Alpine A110
Stéphanie Tordeux avait tout juste 19 ans lorsqu’elle faisait ses débuts, en slalom, au volant de l’Alpine A110 de son père : « J’ai eu la chance de passer mon permis le jour de mes 18 ans, et j’aurais voulu alors disputer mes toutes premières courses. Mais ma mère était absolument contre cette idée, et elle voulait que je maîtrise la conduite avant de me lancer. » Ses premiers tours de roues, Stéphanie les fera en ramenant l’auto paternelle au parc fermé sur les différentes épreuves qu’il disputait : « Ça ne suffisait pas pour se faire la main, mais pour moi c’était ultra important de pouvoir m’installer derrière le volant. Mais j’attendrai un an avant de disputer mon premier slalom. »

Une première expérience concluante qui en amènera d’autres, puisque Stéphanie aura l’occasion de s’engager sur plusieurs épreuves avec l’Alpine A110, avant de faire l’acquisition d’un Fun Boost propulsé par un moteur de moto : « C’est la voiture qui est à l’origine de la création de la classe CM. Nous l’avons achetée en 2002, alors que j’étais enceinte de Mathéo. » Le deuxième enfant de Stéphanie naitra en mars 2003 et compte aujourd’hui parmi les animateurs du Championnat de France de la Montagne : « Quinze jours après la naissance de Mathéo, j’étais au départ de mon premier slalom avec le Fun Boost » se souvient-elle. « C’est une auto que j’ai dû garder deux ans avant d’acheter un Fun Boost plus évolué auprès du fabriquant de ce Proto. »

La carrière de Stéphanie Tordeux sera entrecoupée par la naissance de ses trois enfants. Mathéo a en effet une sœur ainé, Laura, et une petite sœur, Cléa : « Mais j’ai toujours continué à courir. Après l’expérience Fun Boost, j’ai roulé au volant d’une Ligier que nous nous partagions avec Bruno (Berton). Nous avions précédemment chacun notre Fun Boost et nous avons décidé de les vendre pour acheter une Ligier JS 49. » Ensuite, en 2014, Stéphanie Tordeux fera l’acquisition de sa première Formule Renault qu’elle conservera jusqu’en 2018, avant de s’installer dans le cockpit d’une Norma M20 FC 2 litres.

« J’avais beaucoup aimé l’expérience avec le Proto Ligier, et je voulais acheter une Norma M20 F, mes finances ne me permettant pas de prétendre à une M20 FC. Mais mon père a tenu à m’aider à grâce à lui nous avons fait l’acquisition de la Norma avec laquelle Manuel Mangold avait participé au championnat », se souvient Stéphanie. « Dans l’esprit de mon père, une Norma de dernière génération était plus facile à revendre, d’où ce choix. »

Comme ce fut le cas auparavant, Stéphanie ne manquait pas remporter de nombreuses Coupe des Dames sur les épreuves régionales et continuait à faire des apparitions sur les épreuves du Championnat de France de la Montagne. Mais lorsque l’on évoque son palmarès, Stéphanie coupe court et relativise : « Certes j’ai gagné de nombreuses Coupe des Dames, mais souvent face à des concurrentes qui avaient des voitures moins performantes. J’ai roulé dans des périodes où nous n’étions parfois pas très nombreuses », précise-t-elle en toute humilité. Comme toute compétitrice, Stéphanie aime la rivalité : « Je préfère terminer deuxième face à une concurrente rapide que de m’imposer face à une gamine qui roule en 106. Mais le moteur reste le plaisir, l’adrénaline et la convivialité avec les copains. »

La découverte du championnat en Formule Renault
C’est au début de l’année 2021 que Stéphanie Tordeux faisait l’acquisition de la Formule Renault avec laquelle elle évolue aujourd’hui et qu’elle a engagé cette saison sur le championnat : « J’ai perdu mon père en 2020. Il était alors hors de question d’arrêter, ne serait-ce que par respect pour sa mémoire. Mais ça devenait très compliqué parce qu’il s’occupait de toute la logistique, de la mécanique, de tout en fait. Comme il le disait lui-même ''tu es comme une pilote d’usine.'' Parce que j’arrivais au dernier moment et que je n’avais plus qu’à m’installer derrière le volant », explique Stéphanie. « J’ai voulu continuer mais ça changeait la donne parce qu’il m’a fallu modifier mon approche et tous les détails à prendre en compte… Et puis je me souviens que mon père partait du principe qu’une fois à la retraite, il voulait faire plein de choses, et je me suis dit qu’il ne fallait pas que j’attende, qu’on ne s’avait pas de quoi l’avenir était fait, et que je devais donc assouvir l’envie que j’avais de participer au championnat. Mon objectif était d’être alors au départ de toutes les épreuves que je voulais faire, sans penser réellement au résultat. »

A ses débuts, Stéphanie abordait la compétition automobile comme une passion ludique. Même si elle a une âme de compétitrice, elle a longtemps couru sans vraiment préparer ses courses, en occultant totalement séances d’essais et visionnages de vidéos : « Ça ne fait pas très longtemps que je fais de temps à autre des séances d’essais sur circuit pour m’assurer que tout fonctionne. Auparavant j’arrivais sur les courses en ’’free style’’. »

En cette année 2022, Mathéo Mendes, le fils de Stéphanie, s’inscrivait pour la première fois sur le championnat au volant d’un Silver Car, « et je me suis dit qu’il serait bien de l’accompagner. Nous nous sommes donc inscrits tous les deux, on trouvait ça hyper sympa. » Stéphanie se retrouvait donc cette saison dans une classe DE/7, bien fournie, au sein de laquelle elle allait se confronter à des jeunes talents : « Je savais que je ne pouvais pas prétendre concurrencer avec eux, mais je ne voulais pas terminer dernière et j’avais comme but d’essayer de réduire l’écart face aux meilleurs. Martine Hubert m’a toujours dit que les bons pilotes te tiraient vers le haut. »

De belles découvertes
La saison 2022 de Stéphanie Tordeux débutait sur la Course de Côte Régionale de Bournezeau où elle allait s’imposer dans une classe DE/7 où figuraient six concurrents : « J’ai été bien dès le début du week-end et je pense que je réalise sur cette épreuve la meilleure course que je n’aie jamais faite. Je termine en plus pas très loin de la Norma de Pauline Berton, c’était vraiment une excellente mise en jambe. » Une mise à jambe qui se poursuivait à Irancy où Stéphanie terminait troisième de sa classe et remportait la Coupe des Dames.

Les débuts de Stéphanie Tordeux sur ce championnat 2022 se feront sur les Teurses de Thèreval – Agneaux : « J’étais confiante pour attaquer le championnat, et ravie de découvrir ce tracé normand qui propose deux courses en une avec un bas de parcours lent et un final rapide. J’ai beaucoup aimé et je pense que j’y reviendrai en 2023 même si j’étais super à mon aise sur le bas et pas du tout en haut, sur le rapide. Mais j’ai passé un excellent week-end malgré une figure lors des essais qui m’a un peu refroidi pour la suite. »

A Vuillafans, Stéphanie arrivait en terrain connu, et le mot convient parfaitement à la situation : « Pour une fois je savais où j’étais. Mon plus gros problème vient de là, c’est qu’en ne reconnaissant quasiment pas, j’ai dû mal à me situer sur les parcours. Là j’avais reconnu avec Stéphane Garcia qui m’avait bien expliqué les spécificités, et j’étais plutôt bien, même si les chronos ne sont pas au rendez-vous. Je ne sais pas comment font les leaders de la classe, on ne doit pas passer au même endroit », lâche Stéphanie dans un éclat de rire.

C’est à Marchampt que se poursuivait la campagne de Stéphanie Tordeux qui allait connaitre un bon début de week-end, « avant que Mathéo ne fasse ’’un soleil’’. J’ai eu la peur de ma vie et ça m’a coupé les jambes. Mais finalement je parviens malgré tout à réaliser sur cette montée mon meilleur chrono du week-end. Mais après, je suis toujours ’’arrêtée’’ sur le rapide. Ça vient de moi et du fait que je n’ai pas le bon couple sur la boîte », avoue-t-elle.

Stéphanie avait déjà eu l’occasion d’affronter les pentes du Mont-Dore, avec sa Formule Renault, lors d’une édition courue sous la pluie : « J’ai bien reconnu, et bien assimilé le tracé, ce qui était extra durant ce week-end. Je suis satisfaite de ce que je suis parvenue à faire, ce qui est tout de même l’essentiel. J’ai amélioré sur chaque montée, c’est plutôt enthousiasmant. »

Turckheim sera une première pour Stéphanie qui découvrait le tracé alsacien : « J’avais la chance d’avoir une auto pour faire des reconnaissances, ce qui n’était pas le cas sur les autres épreuves où j’avais juste mon fourgon pour tracter la voiture. J’ai donc pu bien apprendre le tracé et je n’étais pas trop perdue pour une première. J’ai beaucoup aimé cette course et ce magnifique village de Turckheim. Ça vaut le déplacement. »

De bons souvenirs et de nouveaux défis à venir
Même si ce ne fut pas toujours facile, Stéphanie Tordeux gardera d’excellents souvenirs de cette participation au championnat : « Assumer à la fois son rôle de maman de trois enfants, même s’ils sont grands à présent, et la course automobile n’est pas toujours facile. D’autant que du côté professionnel j’ai également eu une année bien chargée. Ce n’était pas simple et j’avoue que par moment la fatigue s’est fait ressentir. Finalement, j’abordais les courses comme un moment de détentes, et de ce fait j’étais peut-être trop en mode décompression, ce qui n’est pas idéal pour la concentration », analyse-t-elle. « Mais je retiendrai que j’ai fait de belles rencontres, bénéficié de l’aide et de la motivation de mes adversaires. Les plus jeunes m’ont pris en affection car il est vrai que je pourrais être leur mère, c’était plutôt très sympa. Je voulais me faire une belle saison, c’est chose faite. »

Les premiers remerciements de Stéphanie vont vers ses enfants, Laura, Mathéo et Cléa : « Un grand merci à ASC - Racing Parts Service et à Tony Hubert, à Mathéo qui m’aide et sans qui il me serait difficile de courir, à ma maman pour tout ce qu’elle fait pour Mathéo, à Fred mon chéri qui supporte mes absences. Merci aux photographes, vidéastes, organisateurs, commissaires pour leur gentillesse et leur dévouement. »

En cette fin du mois de novembre, Stéphanie Tordeux est en phase de réflexion en ce qui concerne l’orientation qu’elle veut donner à son implication dans le sport automobile : « Avec le recul j’ai pris conscience que cette saison, qui implique de longs déplacements, oblige à des sacrifices, tant sur le plan privé que professionnel. Je pense que je vais donc essayer de limiter les trajets l’an prochain et prendre part à des épreuves proches de chez moi, en faisant quelques apparitions sur le championnat », confie Stéphanie. « Et puis j’ai eu l’occasion de faire l’inter-écuries au Mans, et ça m’a donné envie de rouler en circuit. Comme je dépends de l’ACO, j’ai la chance d’être invité pour prendre part à cette manche de la Coupe de France qu’est l’inter-écuries. C’est très plaisant de pouvoir mettre les roues sur des épreuves où ont évolué des grands noms du sport automobile, et j’avais pris un réel plaisir lors de ces participations. D’une année sur l’autre, j’ai amélioré mes chronos de huit secondes au tour, ça donne envie de continuer… J’espère donc rouler en TTE sur le Castellet et à Magny-Cours. Et puis j’aimerais bien refaire les Rangiers. Après, tout dépendra des budgets et du temps dont je peux disposer », conclut Stéphanie.


Propos recueillis par Bruno Valette ©

 

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