Difficile saison pour la Grenouille

Six manches du Championnat de France de la Montagne étaient inscrites au calendrier 2015 de Guillaume Kruger. Au volant de sa Citroën C2, le Limougeaud espérait mettre à profit cette saison pour parfaire sa connaissance du championnat. Mais divers soucis mécaniques sont venus perturber trois de ses six épreuves, laissant à Guillaume une sensation douce-amère à l’heure de faire le bilan.

Dans sa prime enfance, Guillaume Kruger pouvait difficilement ignorer ce qu’était la compétition automobile. Chaque année, à Les Cars, son village natal, se tenait une course de côte, et bien évidemment le jeune limougeaud assistait en spectateur aux empoignades que ne manquaient pas de se livrer les Montagnards.

Dans un village de cinq cents habitants, une telle manifestation est un événement majeur. Dans les yeux du gamin qu’était alors Guillaume, brillait déjà une petite flamme à la vue de ses incroyables bolides. Trop jeune pour s’installer derrière le volant, c’est sous les paniers de basket que Guillaume découvrait alors les valeurs du sport. Mais les années passant, la petite flamme échauffait l’esprit du pilote en herbe, qui franchissait le pas et s’alignait au départ de sa première course de côte : « Je n’avais pas d’attrait particulier pour la compétition automobile, mon seul objectif était alors de participer à la course de côte qui se déroulait chez moi », confie Guillaume. « Je suivais les rallyes qui se disputaient dans ma région, mais ce que je voulais avant tout s’était de prendre part à ’’mon’’ épreuve. »

Clio, comme premier amour
La chose était entendue, et en 2008, année de ses 24 ans, Guillaume Kruger plongeait dans le grand bain. Restait à choisir la voiture, ce qui peut parfois amener à de longues réflexions. Pas pour Guillaume qui optait instinctivement pour la Clio : « C’était pour moi une voiture mythique. C’était la grande époque où Ragnotti évoluait au volant de cette voiture. Avec plusieurs copains nous étions possesseurs de Clio Williams, et nous partagions une vraie passion pour la petite Renault », se souvient-il. « Lorsque j’ai pu acheter ma première petite sportive, j’ai bien évidemment choisi une Clio 16S. Je l’ai utilisé durant deux ans pour mes déplacements, avant de l’équiper d’un arceau et de la transformer en auto de course. »

Durant trois saisons Guillaume assurait son apprentissage de la discipline en disputant ses premières épreuves au volant d’une auto qui ne se présentait pas comme un ’’foudre de guerre’’ : « Ma Clio était strictement d’origine, avec uniquement les éléments nécessaires pour être homologuée. Le moteur était de série, et j’avais une boîte de vitesses avec des rapports très longs. Sur l’épreuve disputée chez moi je n’avais pas la possibilité de passer la quatrième ou la cinquième », se souvient-il.

Pas de frustration pour autant, puisque Guillaume n’avait alors comme unique objectif que de se faire plaisir. La belle histoire entre lui et sa Clio aurait d’ailleurs pu se poursuivre bien plus longtemps, si un accident n’avait pas mise à mal la petite Renault : « En 2010, j’ai rencontré celle qui allait devenir mon épouse. Pour lui faire connaitre le sport auto j’ai décidé de participer à une dernière course pour conclure ma saison, et je me suis engagé sur la Course de Côte du Lauragais. Et là, j’ai été victime d’une sortie de route. »

Voiture détruite, Guillaume prenait conscience qu’il ne disposait pas du budget pour racheter une nouvelle Clio. Pas question pour autant de mettre un terme à sa carrière sportive. Il lui fallait trouver une auto, qu’il voulait récente, mais d’un prix abordable : « Le hasard a voulu qu’à cette époque, j’avais une Citroën C2 comme voiture de fonction. Je trouvais cette auto sympa, et je me suis dit, ’’pourquoi pas courir avec une C2 ?’’. Je trouvais ça d’autant plus original que l’on n’en voyait pas beaucoup en course de côte. »

L’originalité était poussée à son comble avec le choix de la couleur, un magnifique vert qui ne pouvait passer inaperçu et qui fera que, rapidement, la petite Citroën allait être affublée du surnom de ’’Grenouille’’… Il faudra deux ans à Guillaume pour parfaire la préparation de sa petite Citroën, avant de l’aligner sur une épreuve.

Les débuts de la Grenouille
La saison 2013 permettait à Guillaume de mieux cerner sa Citroën qui disposait alors d’un moteur de série : « Je n’avais pas le budget pour faire un ’’gros moteur’’, et après deux années d’absence, j’avais une certaine appréhension ne sachant pas comme j’allais réagir en course. C’est aussi ce qui m’a incité à ne pas me relancer directement avec une mécanique trop puissante. » Bien évidemment, dans ces conditions, Guillaume ne pouvait prétendre à des résultats probants. Mais la progression dans ses chronos avait de quoi le satisfaire, et le motiver à poursuivre en faisant évoluer son auto.

Habitué des épreuves régionales, Guillaume Kruger se lançait un nouveau défi en 2014, en inscrivant à son calendrier trois épreuves comptant pour le Championnat de France de la Montagne : La Pommeraye, les Beaujolais-Villages et le Mont-Dore : « Ce fut une véritable découverte, et je suis littéralement tombé amoureux du championnat. J’avais déjà eu l’occasion de courir le Mont-Dore, et ces deux épreuves supplémentaires m’ont enchanté. »

Nouveau cap supplémentaire en 2015, puisque le Limougeaud décidait de prendre part à six épreuves du Championnat dans le cadre d’un Challenge Open : « Ce qui m’a incité avant tout à concentrer mes efforts sur le championnat, c’est l’ambiance qui y règne. J’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux pilotes, tous accessibles, qui ont le sens de l’entraide et du partage. »

Week-end parfait à La Pommeraye
C’est au mois de mai, sur la Course de Côte de La Pommeraye, que Guillaume prenait part à sa première épreuve. Un véritable challenge pour lui qui découvrait le nouveau moteur monté sur sa Citroën C2 : « C’est bien évidemment avec une certaine appréhension que j’ai abordé cette course. Je ne savais pas comment la voiture allait réagir, et si j’étais en mesure de dompter les chevaux dont je disposais », avoue-t-il. « Ce qui me rassurait toutefois c’est que le tracé de La Pommeraye m’était familier. Mais tout s’est bien passé, et je pense avoir fait là ma meilleure course de la saison. J’ai rapidement compris comment fonctionnait la voiture, je n’ai eu aucun souci mécanique, nous n’avons pas eu de pluie durant le week-end… C’était parfait ! »

Les conditions sur la Course de Côte de Saint-Gouëno n’allaient pas être aussi faciles. Guillaume découvrait le tracé breton, et des conditions de course qui le pénalisaient : « Le souci c’est que je ne dispose pas de pneus pluie. Je roule uniquement avec les quatre roues qui sont sur la voiture, je n’ai même pas de roue de secours sur la remorque. En clair, si la route est mouillée, mon week-end tombe à l’eau. » Samedi, Guillaume parvenait à se faire plaisir en découvrant le tracé de Saint-Gouëno sur un revêtement resté sec. Dimanche, sur un parcours passablement humide, il lui était difficile de trouver des motifs de satisfaction.

Sur la Course de Côte des Beaujolais-Villages, Guillaume était enthousiaste à l’issue des essais qui s’étaient plutôt bien déroulés pour lui. Le Haut-Viennois avoue apprécier cette épreuve, et il espérait mettre à profit la journée de dimanche pour réaliser quelques bons chronos. Malheureusement, la mécanique en décidait autrement : « Dimanche, impossible de démarrer la voiture. J’avais un problème avec un boîtier papillon motorisé, ce qui m’a obligé à abandonner », regrette-t-il.

Nouvelle découverte pour Guillaume avec la Course de Côte de Vuillafans, qu’il n’avait jamais eu l’occasion de disputer par le passé : « J’avoue que ce tracé est magnifique, même si je le trouve par endroit dangereux. Pour ce qui est de ma course, ce ne fut pas facile. Dimanche, j’étais malade au moment de m’élancer sur la deuxième montée de course où je concède deux secondes. L’annulation de la troisième montée n’a pas arrangé mes affaires. »

On l’a vu, privée de pneus pluie, la ’’Grenouille’’ n’aime pas l’eau. A Dunières, la petite Citroën risquait fort de ne pas être dans son élément. Mais par chance, Guillaume reconnait être passé entre les gouttes. La plus grande difficulté pour lui, sur l’épreuve auvergnate, était dû à l’absence de Sabine, son épouse : « Je n’aime pas quand elle ne peut pas m’accompagner sur une épreuve. Depuis que je suis sorti de la route avec la Clio, elle a toujours été là, et c’est la première fois que je devais composer sans elle. Moralement ce n’était pas idéal. » Côté mécanique, Guillaume allait connaitre de nouveau soucis, avec cette fois une direction assistée qui le lâche sur la deuxième montée de course : « Je n’ai pas pu réparer et de ce fait je n’ai pas pris part à la troisième montée, et là encore je perds la deuxième place de la classe. C’est un peu frustrant d’être spectateur de ta défaite », avoue-t-il dans un sourire.

De retour chez lui, Guillaume espérait trouver l’origine de la panne qui l’avait obligé à renoncer. Mais chose incompréhensible, lorsqu’il déchargeait la C2 de sa remorque, la direction assistée fonctionnait à nouveau. Ne voulant pas engager de frais pour changer la direction, Guillaume croisait les doigts en espérant que cet élément ne lui fasse pas à nouveau défaut au Mont-Dore.

Car dans l’esprit de Guillaume Kruger, le Mont-Dore reste une épreuve mythique, et il est hors de question pour lui de ne pas être présent dans le massif du Sancy. Mais c’est finalement en spectateur que le Limougeaud assistera à la course : « Vendredi, lorsque nous nous sommes installés, il faisait beau. Mais la pluie a fait son apparition samedi matin, et sans pneus pluie, je n’ai pas pu prendre part aux essais. J’étais bien évidemment démotivé, et je ne savais pas que, si tu ne fais pas les essais chronométrés, tu peux demander une dérogation pour être au départ de la course si tu as disputé l’épreuve l’année précédente. » Guillaume laissait donc sa C2 au paddock dimanche matin, et ne cache pas avoir ressenti une vraie frustration : « C’est l’épreuve que j’attendais le plus de toute la saison. C’est vraiment rageant de devoir regarder les autres et de ne pas prendre part aux débats. »

Un bilan mitigé
Cette première saison disputée dans le cadre d’un challenge Open laisse à Guillaume des sentiments mitigés. « J’ai connu des problèmes mécaniques sur deux épreuves et j’ai dû renoncer sur une troisième à cause de la pluie. Lorsque l’on dispose d’un calendrier de six épreuves, ce n’est pas à proprement parler positif. » Les longs déplacements, l’obligation de prendre des jours de congés sont également des éléments qui poussent Guillaume à la réflexion : « J’assouvis une passion, quand tout se passe bien, on accepte facilement les contraintes, mais quand ça ne veut pas sourire, c’est toujours plus délicat. A l’heure de faire le bilan, j’ai le sentiment d’avoir ’’bouffé’’ le budget sans prendre énormément de plaisir. »

Une remise en question qui fait qu’à ce jour, Guillaume n’est pas en mesure de dire de quoi sera fait 2016 : « Si je repars, j’aimerais que ce soit en Challenge Open, avec une auto fiable et des pneus pluie. Aujourd’hui, mon camping-car est en panne, ce qui fait que, pour résoudre tous les problèmes auxquels je dois faire face, il faudrait que je trouve un financement dont je ne dispose pas. Compte tenu de ces paramètres, il est fort probable que 2016 soit pour moi une année sabbatique. »

Même si cette saison 2015 n’a pas réellement répondu à ses attentes, Guillaume Kruger tient à remercier ceux qui l’ont soutenu dans cette aventure : « En premier lieu, Sabine, mon épouse, mes partenaires qui sont Super U et McDonald’s à Aixe-sur-Vienne, le Caravaning Limousin, ainsi que les mécènes qui m’apportent un soutien non négligeable. Un grand merci aux professionnels Matter, aux suspensions R.TEC, et à Dinatmo préparateur du moteur de ma C2. Merci également aux pilotes du Championnat de France de la Montagne avec qui j’ai partagé de très bons moments, ainsi que mes collègues commissaires techniques sur les épreuves. »


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