Et une fulgurante progression

Avoir ’’un gros cœur’’ est une expression bien connue des pilotes, et pour ce qui est de Sarah Louvet, la formule lui sied à merveille. Elle prend même avec elle un double sens, car si sur la piste Sarah fait preuve d’une incroyable générosité, en dehors des épreuves, derrière sa carapace de combattante acharnée, se cache une énorme sensibilité. Plus que sa fulgurante progression et les performances qui en ont découlées, c’est la communion qui règne entre les membres de son team qui fait dire à Sarah qu’elle a vécu cette année une saison de rêve.

Rien ne prédestinait la jeune lyonnaise à se retrouver un jour derrière le volant. Passionnée d’équitation, Sarah n’imaginait pas dans sa prime jeunesse qu’elle aurait un jour à dompter près de deux cents chevaux sous le capot d’une voiture de course : « Mon unique passion allait alors vers le cheval, j’ai même le sentiment d’avoir appris à monter avant de marcher. J’ai commencé la compétition à 8 ans et je me suis retrouvé à un haut niveau à 15 ans. J’ai toujours aimé ce rapport entre le cavalier et l’animal, l’osmose qui doit se créer, l’attention que l’on doit porter à sa monture », explique-t-elle. « Ce que j’ai découvert et adoré dans le sport automobile, c’est que là encore, la performance est le résultat de l’implication d’une équipe, que tu n’es pas seule et que tu partages tes performances avec les autres. » Sportive dans l’âme, Sarah est une touche à tout, qui voit dans le sport un moyen de s’épanouir et de lutter contre sa timidité.

Si au sein de la famille Louvet personne n’était impliqué de près ou de loin dans le sport automobile, en revanche la passion pour la course auto était bien présente. Jean-Jacques, le père de Sarah, a toujours été un fervent admirateur des pilotes de légende. Les émissions télévisées consacrées à l’actualité automobile, et les Grand Prix de F1, étaient pour Jean-Jacques des rendez-vous dominicaux incontournables. Complices, père et filles savouraient pleinement ses moments de partages, et Jean-Jacques ne tardait pas à communiquer sa passion à sa progéniture : « La passion de mon père se traduisait également par l’envie d’approcher au plus près des voitures d’exception. Il s’est alors mis à collectionner des Jaguar, Triumph, Mustang et autres autos de légende, j’ai donc toujours baigné dans l’automobile », se souvient-elle.

Sarah n’avait que 15 ans lorsqu’un changement familial allait apporter des mutations importantes dans son quotidien et celui de son père. Si leur complicité s’en trouvait renforcée, c’est avec la bénédiction de sa fille que Jean-Jacques allait adopter une nouvelle philosophie de vie. Des changements peuvent devenir des opportunités, et Jean-Jacques décidait alors de côtoyer au plus près ceux qu’il ne connaissait jusqu’alors que par la télévision où les magazines spécialisés : « Mon père a alors rencontré plusieurs acteurs du sport automobile, et notamment Sébastien Chabin et Olivier Augusto. De leurs longues discussions est née l’idée que mon père devrait s’essayer derrière le volant », explique Sarah. « Il a donc acheté la Tatuus avec laquelle j’évolue actuellement, et sous les conseils de Nicolas Schatz, il a appris le maniement d’une auto de course avant de prendre part à ses premières compétitions. »

Les premiers pas en Mitjet
Bien évidemment, Sarah ne manquait pas de suivre son père sur les courses, et l’envie de s’installer elle aussi derrière le volant allait rapidement mûrir : « Nous avons donc décidé de me faire rouler, juste pour voir. » Fin 2013, c’est Olivier Augusto qui confiait à Sarah le volant de sa Mitjet, histoire d’évaluer ses compétences.

Les premiers chronos réalisés par Sarah n’avaient rien d’exceptionnels, mais son engagement, sa détermination et son sens de l’attaque ne pouvait échapper à l’œil expert de Nicolas Schatz, qui décelait rapidement le potentiel de la jeune lyonnaise.

Après un apprentissage de quelques journées sur circuit, Sarah allait disputer ses premières courses de côtes au volant d’une Mitjet, qui ne lui plaisait pas forcément, mais avec laquelle elle allait rapidement ressentir de très bonnes sensations. Le pas était franchi, quatre épreuves allaient composer le programme 2014 de Sarah Louvet : « Ce fut à mon sens assez laborieux, mais Nicolas croyait réellement que j’avais du potentiel. Dans le même temps, mon père décidait de troquer la Tatuus qui ne lui convenait pas vraiment, contre une Norma, et Nico a incité mon père à me confier la Tatuus. »

La partie n’était pas gagnée d’avance, Jean-Jacques rechignait à voir sa fille au volant d’une telle voiture, alors que Sarah ne cachait pas son enthousiasme à l’idée de courir en Formule Renault : « C’était pour moi une évidence, et ce fut une révélation. Ce qui a convaincu mon père, jusqu’alors sceptique parce ce que conscient que je suis un peu casse-cou. »

De la Mitjet à la Tatuus
La saison 2015 de Sarah Louvet allait lui permettre de tout découvrir : Le comportement de sa Tatuus en course, les tracés et l’ambiance qui règne sur le Championnat de France de la Montagne. Ses débuts allaient se faire sur une épreuve qui est loin d’être la plus facile de la saison, Bagnols-Sabran : « Par rapport au circuit où j’avais fait mes essais, j’étais perdu sur ce tracé de Bagnols-Sabran, d’autant que jusqu’alors je n’avais roulé que sous la pluie. Les sensations étaient malgré tout assez bonnes, mais je reconnais que ce fut assez laborieux. »

Déterminée, Sarah allait passer ses soirées à étudier ses caméras embarquées, à bosser sans relâche pour préparer son deuxième rendez-vous, le Col Saint-Pierre : « C’est un gros morceau, mais j’ai la chance de mémoriser assez facilement, ce qui est un avantage », admet Sarah. « Mais ce fut tout de même compliqué pour moi car j’avais été victime d’une sortie de route à Bagnols, et qu’il fallait que je me relance. Mais là encore les sensations étaient bonnes. »

Forfait à Abreschviller et La Pommeraye pour des raisons professionnelles, c’est à Saint-Gouëno que Sarah Louvet poursuivait sa saison : « Sous la pluie, je me suis retrouvée dans mon élément, sur un parcours étroit et technique. J’étais contente de mes chronos. » Pour la première fois Sarah allait monter sur le podium de la Formule Renault. Plus qu’un résultat, un changement notamment dans le regard des autres. Oubliée la petite blonde qui venait ’’faire mumuse’’ en début de saison, les Montagnards les plus expérimentés commençaient à prendre au sérieux la jeune lyonnaise.

Si Sarah reconnait que le tracé des Beaujolais-Villages était particulièrement plaisant, ce n’est pas dans les meilleures conditions qu’elle se présentait à Marchampt : « J’étais fatiguée et ce n’était pas évident. Mais le parcours est rapide, ce qui me plait énormément », explique-t-elle. « Sur cette course, j’ai pris conscience que je pouvais rivaliser avec Estel (Bouche), qui était pour moi la référence en début de saison. Cela m’a donné de l’assurance. En début de week-end, j’ai eu du mal à rentrer dans la course, mais ce n’est pas dans mon tempérament de lâcher, et sur la dernière montée, je parviens à être dans la même seconde qu’Estel, ce qui me réjouit. »

A l’issue de la Course de Côte de Vuillafans, une infime petite seconde séparée Sarah - qui monte sur la troisième marche du podium de la Formule Renault - d’Antoine Betzel et de Régis Tref. Une performance qui a de quoi satisfaire la pilote rhodanienne : « C’est pour moi la plus belle course de la saison, tant par le cadre que par le tracé. C’est étroit, bosselé, dangereux, tout ce que j’aime. J’ai eu de plus le sentiment de faire ce résultat sans vraiment forcer », avoue Sarah qui considère avoir eu un déclic sur l’épreuve franc-comtoise. « Ma seule frustration vient du fait que la troisième montée ait été annulée, car j’espérais vraiment progresser encore. »

« Oh mon Dieu ! », lâche Sarah dans un large sourire lorsque l’on évoque le Mont-Dore, son sixième rendez-vous de la saison dans le cadre du Championnat. « Quel week-end ! On a eu la pluie le samedi, ce qui ne m’a pas forcément dérangé, mais sur le sec, le Mont-Dore est un géant qu’il faut savoir maîtriser, et ce ne fut pas simple. Mais j’ai tout donné sur la dernière montée pour me rapprocher du chrono d’Estel. »

La Course de Côte de Chamrousse sera pour Sarah la déception de l’année : « J’assistais à cette épreuve en spectateur depuis de nombreuses années, et j’avais hâte de rouler à Chamrousse. Mais si le parcours m’a plu, il ne me convient pas. J’avais du mal à trouver mes marques sur ce tracé large. »

La saison de Sarah Louvet se concluait à Turckheim, et l’épreuve alsacienne lui laisse d’excellents souvenirs : « Le tracé est magnifique. C’est avec Vuillafans un des parcours qui m’a le plus plu. Le plateau était important et je me suis fait réellement plaisir. Je me retrouvais en concurrence avec mon ami Guillaume Veyrat, qui roule également en Formule Renault et qui est un très bon pilote. Je termine également devant Charlie (Martin) qui m’avait devancé à Chamrousse, et sur qui je prenais ma revanche. Cette saine concurrence m’a énormément enthousiasmé. »

Première saison, première finale de la Coupe
Avant de prendre part au Championnat, Sarah était présente à Donzy Le Pertuis où elle avoue avoir passé un excellent week-end. A Courpière, au mois de juin, elle se classe deuxième des Formule Renault et remporte par la même occasion la Coupe des Dames : « C’est la première épreuve que j’ai courue en 2014, et j’étais sortie de la route sur le premier virage. J’avais à cœur de prendre ma revanche, et j’avoue avoir été surpris, dès les essais de signer de tels chronos. La petite bataille avec David Sudre était très sympa. »

Au mois d’août, Sarah allait remporter une nouvelle Coupe des Dames à Laussonne, avec en prime une victoire en Formule Renault : « Cette course n’était pas prévue à mon programme, mais je savais que si je m’imposais à Laussonne, je décrochais mon ticket pour la Finale de la Coupe de France », explique-t-elle. « Ce fut difficile, sur un parcours bosselé qui ne convient pas à la Formule Renault. Mais je me suis dépassée et je me qualifie pour Limonest. C’était vraiment un week-end chargé en émotion. »

Première saison, et déjà première qualification pour Sarah que l’on retrouve sur la Finale de la Coupe de France : « J’ai découvert le tracé, mais j’ai bossé énormément et je ne suis pas mécontente de terminer troisième des Formule Renault, d’autant qu’il y avait de la concurrence », confie-t-elle. « La seule petite déception, c’est de ne pas parvenir à terminer première des féminines, ce dont je rêvais », avoue Sarah qui pointe à un dixième d’Emeline Breda, qui évoluait elle au volant d’une F3.

Pour conclure la saison, Sarah ira défier Antoine Betzel sur le Circuit de Bresse, où elle termine à 4 dixièmes du gendarme vauclusien : « J’apprécie beaucoup Antoine et j’aime bien l’embêter », avoue Sarah un grand sourire aux lèvres. « Je pense que ce week-end j’ai pu lui mettre la pression. Le circuit m’a bien plu, même si je préfère les tracés plus étroits, plus dangereux. Mais j’avoue ma surprise de terminer deuxième des F.R sur cette épreuve pour conclure la saison. »

Une véritable révélation
Le bilan de cette année en Championnat de France est largement positif pour Sarah, qui retient surtout la révélation que furent les sensations éprouvées durant toute l’année : « Je me suis découvert un caractère que je ne me connaissais pas, des ambitions que ne je pensais pas avoir, un mental et une ’’gnaque’’ qui m’ont surpris. »

On l’a vue, Sarah est une vraie passionnée, qui s’investit totalement dans les défis qu’elle relève : « J’ai bossé pour y arriver, et aujourd’hui, je me sens super bien dans l’auto et tout me parait être une évidence. Je m’épanouis totalement dans le sport automobile, car d’une part je partage ces moments d’intenses émotions avec mon père, ce qui est pour moi primordial, mais qu’en plus j’ai découvert au sein du Team Schatz une deuxième famille, des gens fabuleux », confie Sarah. « Je fonctionne à l’affectif, pour donner le meilleur de moi-même j’ai besoin d’être entourée, et en l’occurrence je ne pouvais espérer mieux que ce que j’ai vécu cette saison au sein de l’équipe », poursuit-elle.

« Lorsque tu sais que les mécaniciens ont passé une bonne partie de la nuit pour réparer ton auto, qu’autour de toi des gens te motivent, te font partager leur expérience… C’est aussi pour eux que tu as envie de te dépasser. Tu le leur dois ! »

Sarah Louvet peut être fière du chemin parcouru lors de cette saison 2015. Les sourires moqueurs qui l’ont accueilli en début d’année ont rapidement laissé place à des regards dubitatifs à la lecture de ses chronos : « Les rares qui en début de saison ont eu envers moi des propos limites désobligeants, reconnaissent aujourd’hui que je n’ai pas usurpé la place que j’occupe. Je suis assez fière d’avoir pu rendre ma position légitime. »

Pour l’avenir, Sarah sait que c’est toujours au volant de la Formule Renault qu’elle évoluera en 2016, mais pour ce qui est de son programme sportif, rien n’est encore arrêté : « La Tatuus me convient parfaitement et je n’en changerais pour rien au monde. Après, je vais être amenée à faire des choix entre mes obligations professionnelles et mes courses. De ce fait, il m’est difficile de savoir aujourd’hui sur quelles épreuves je serai présente. »

L’avenir pourrait s’écrire en F3
Après une telle saison, Sarah n’imagine absolument pas mettre un terme à sa carrière sportive. Lorsque l’on parle d’avenir, elle le voit au volant d’une F3 : « C’est à mon sens l’évolution logique, comme une évidence. A plus long terme, je me verrais bien au volant d’une F3. »

Si la Course de Côte a permis à Sarah Louvet de se révéler cette année, le monde de la côte fut également pour elle une révélation. Plus que de remercier, Sarah souhaite partager ses résultats, ses émotions, avec tous ceux qui lui ont permis de réaliser ce rêve : « Sans mon père, je n’aurais jamais couru, et je le remercie énormément pour tout ce qu’il a fait » confie Sarah… Un silence se fait, puis la voix reprend, hésitante, troublée : « Je remercie également ma mère, même si je n’ai plus de contact avec elle, c’est d’elle que je tire cette force parce que je veux lui prouver que je suis capable de faire de telles choses. »

« Bien évidemment je remercie mon coach, Nico, qui est devenu un ami et qui s’est énormément investi pour moi. Merci à toute l’équipe de mécanos, ils sont toujours présents, toujours à fond. Merci aux pilotes de l’équipe, notamment à Pascal Léonard et Elies Benbetka. Merci à Geoffroy qui a été présent tout au long de la saison. Un grand merci à Estel Bouche qui, même si elle ne s’en est peut-être pas rendu-compte, m’a énormément soutenu cette saison, et à Olivier Augusto qui m’a mis le pied à l’étrier. Je remercie également mon patron chez BMW Gauduel, qui m’a permis de disposer de journées de libre pour assouvir ma passion. » Sarah n’oublie pas la société Adhévif à Vaugneray dans le Rhône : « C’est eux qui ont réalisé la décoration de ma voiture », rappelle Sarah en guise de conclusion.


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