Arrêt prématuré après un excellent début d’année

Deuxième du Challenge Open Formule Renault en 2018 pour l’année de son retour sur le Championnat, Jérôme Debarre se lançait le défi pour 2019 de venir animer la classe très fournie des Formule 3. Le Nordiste sera l’auteur d’un excellent début de saison, malheureusement entaché par l’accident dont sera victime son frère Etienne, et qui le poussera à mettre un terme prématuré à sa campagne de France.

S’il y a une dizaine d’années de cela Jérôme Debarre a eu l’occasion de rouler en Formule Renault alors qu’il disputait ses premières compétitions, il ne tardait pas à franchir un échelon supplémentaire pour venir animer les pelotons de la F3. Et si au printemps 2016 une violente sortie de route sur la Course de Côte des Andelys mettait un coup d’arrêt à son implication dans la discipline, lors de son retour, en 2018, le Nordiste optait à nouveau pour une Formule Renault.

De la Formule Renault à la Formule 3
Un retour plus que réussi puisqu’à l’issue de la saison, Jérôme figurait en bonne place sur le podium du Challenge Open Formule Renault en se positionnant au deuxième rang. Deux paramètres allaient alors l’inciter à venir grossir à nouveau les rangs de la F3 : « D’une part l’envie de progresser, cela me paraissait être une évolution logique, d’autre part le souhait de retrouver mon frère Etienne, qui évoluait déjà en F3 », confie Jérôme. « Et puis dans mon esprit, suite à mon accident en 2016, il était clair que je ne repartirais pas directement au volant d’une Formule 3. La saison en Formule Renault me permettait de retrouver mes marques, la confiance, et il n’y avait plus aucune raison pour que je ne rejoigne pas Etienne. »

Jérôme se mettait alors en quête d’une Dallara F308, mais malheureusement, il ne parviendra pas à trouver sur le marché la voiture convoitée : « J’ai alors vu qu’Alban (Thomas) vendait sa Dallara F306. Cette voiture offrait un excellent compromis avec le moteur Mercedes et un châssis performant. L’auto avait fait ses preuves aux mains d’Alban. »

Au sein d’un Challenge Open particulièrement relevé, les prétentions de Jérôme, en ce début de saison étaient de se classer parmi les premiers de ce qu’il nomme les ’’seconds couteaux’’ : « Je savais qu’il serait difficile de prétendre devancer des garçons comme Billy Ritchen ou Ludovic Cholley. Avec le frangin, on pouvait espérer qu’un de nous deux monte sur le podium. »

Durant la pause hivernale, Jérôme Debarre prenait le temps de désosser la voiture pour lui faire subir une révision complète, « mais en revanche je n’ai pas eu l’occasion de rouler, j’ai donc juste vérifié que l’embrayage fonctionnait, que les vitesses s’enclenchaient, avant de rejoindre Thèreval pour participer à la Course de Côte régionale qui se déroule fin mars. »

Une première épreuve sur laquelle Jérôme Debarre n’avait d’autre prétention que de découvrir sa Dallara, sans tenir compte du résultat : « Je me suis immédiatement senti très bien dans la voiture, et dès la première montée de course, sans forcer outre mesure, je pointais à la deuxième place du scratch derrière Dominique Hamel. Ce fut pour moi une agréable surprise… Au final je termine sixième, mais cela n’avait aucune espèce d’importance, les sensations étaient vraiment bonnes, c’était l’essentiel, d’autant que je termine à seulement sept dixièmes du vainqueur. »

Première épreuve, premier podium
A Abreschviller, Jérôme découvrait le comportement de sa nouvelle monoplace sous la pluie. De quoi, sur un tracé aussi rapide, être circonspect en début de week-end : « Je suis allé voir Alban pour qu’il me donne des conseils sur les réglages, et j’ai rapidement trouvé une auto qui motriçait très bien. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, pour une première sur le mouillé, je me suis senti rapidement à mon aise », reconnait Jérôme qui accrochait la deuxième place de sa classe derrière Billy Ritchen : « C’est un excellent résultat pour moi, au-delà de mes espérances. Je ne m’attendais pas, dans ces conditions, à terminer deuxième. »

Pour la suite de sa campagne de France, Jérôme Debarre retrouvait le tracé de Thèreval – Agneaux. L’occasion de mettre à profit les enseignements tirés un mois auparavant à l’occasion de l’épreuve régionale : « Je savais que le combat serait rude avec des garçons comme Gaëtan Renouf, Julien Bost, Dominique Hamel, et la présence de mon frangin. On s’est bien tiré la bourre, je termine quatrième, mais mon dernier chrono était dans les temps des autres. Avec un temps en 1’00’’500 je suis dans le chrono qui avait permis à Sarah Louvet de s’imposer lors de la précédente édition. Donc je ne pouvais être que satisfait. »

Un souci d’embrayage obligeait Jérôme a changer la butée avant de se rendre à La Pommeraye. Mais, problème, au moment de s’élancer sur la première montée d’essais libre, l’embrayage ne fonctionnait pas : « J’ai loupé la première manche d’essais, ce qui fait toujours prendre du retard, et je termine assez loin samedi… Dimanche, je me suis fait une frayeur en effleurant le rail au raccordement, mais par la suite je suis parvenu à améliorer mes temps pour terminer troisième de classe. Finalement, avec mon niveau de connaissance de la voiture à ce stade de la saison, je peux pleinement me satisfaire de cette position. Et puis Etienne me devance à Thèreval, je suis devant à La Pommeraye, nous étions à égalité après ces deux premières manches de la campagne de l’Ouest. »

Arrêt brutal de la saison pour les frères Debarre
Le duel fratricide allait se poursuivre à Saint Gouëno, mais il prendra malheureusement une tournure dramatique. Sur l’épreuve bretonne, Etienne Debarre était victime d’une violente sortie de route. Sérieusement blessé, il se voyait contraint de mettre un terme à sa saison : « Le week-end avait superbement bien commencé pour moi puisqu’à l’issue des essais je suis cinquième au scratch, premier des monoplaces », se souvient Jérôme. « Lors des essais, Etienne avait déjà fait une figure, et je voyais qu’il avait du mal à être en confiance », analyse Jérôme.

« Dimanche, sur la première montée, je chausse des pneus neufs, mais je passe à côté. Etienne n’était pas dedans non plus… Sur la deuxième manche j’améliore alors qu’Etienne ne parvenait toujours pas à entrer dans le rythme. »

En prégrille au départ de la troisième manche, Jérôme attendait patiemment suite à une interruption de course. S’il était bien évidemment informé qu’il y avait un arrêt, le Nordiste n’avait alors pas réalisé que son frère pouvait en être à l’origine : « Bizarrement, alors que j’étais dans l’auto, contrairement à l’habitude, personne ne me parlait, j’ai senti qu’il se passait quelque chose. J’ai compris alors qu’Etienne était victime d’un accident. Lorsque l’on m’a dit où se situait la sortie, j’ai compris que c’était dans du rapide, et je n’ai pas tardé à savoir que c’était grave. »

Blessé au dos, Etienne Debarre était héliporté à l’hôpital ou sera diagnostiqué un écrasement de la moelle épinière. Jérôme n’avait alors qu’une hâte, ramener la voiture au paddock et rejoindre son frère à l’hôpital.

Chez les Debarre, la course est avant tout une histoire de famille et de partage. Dans l’esprit de Jérôme il était inconcevable de poursuivre son implication sur le Championnat en l’absence de son ainé. Il mettait donc un terme prématuré à une saison dont le début avait été fort prometteur : « Je ne peux être que satisfait du début de saison puisqu’à Saint Gouëno je pointais au deuxième rang du Challenge. Avec Etienne nous avions marqué des gros points sur la campagne de l’Ouest, c’était plutôt sympa. »

Mais en dehors de l’aspect sportif, ce que veut avant tout retenir Jérôme c’est l’énorme élan de solidarité dont lui et son frère ont été les bénéficiaires : « Nous avons eu un nombre d’appels et de messages incroyables, un immense soutien dans une période difficile où nous ne savions pas comment l’état de santé d’Etienne allait évoluer », se souvient Jérôme. « La Course de Côte est une discipline où il y a énormément d’entraide, de soutien, et cela fait vraiment chaud au cœur. »

Pour Jérôme Debarre, la page de la compétition automobile est aujourd’hui tournée. Le Nordiste veut se consacrer à d’autres activités : « Retourner sur une épreuve est pour moi compliqué. Quant à recourir, sans Etienne cela m’est impossible. On ne peut pas faire des barres parallèles avec une seule barre », lâche Jérôme Debarre, dans un sourire. Compétiteur dans l’âme, c’est sur une toute autre discipline que Jérôme a porté son dévolu : « Pour me maintenir en forme, depuis 4 ans je pratiquais déjà la course à pied, disons que je vais intensifier mes participations. J’ai besoin d’un projet, d’un objectif, et si jusque là je prenais part à des semi-marathon, je vais maintenant m’attaquer à des Marathons. Je serai au départ du Marathon de Vienne en Autriche le 19 avril. C’est un événement qui nécessite 12 semaines de préparation, j’attaque cette semaine. Ce que j’aime, c’est qu’en Course de Côte comme en course à pied, on va au bout de soi-même. »

Avant de tourner définitivement la page de la Course de Côte, Jérôme Debarre veut remercier tous ceux qui furent à ses côtés dans les moments d’intenses émotions : « Je veux avant tout remercier tous nos amis qui sont acteurs de cette discipline et tout particulièrement les organisateurs de Saint Gouëno, les commissaires et Olivier Henry qui ont su parfaitement gérer la situation après l’accident d’Etienne. Un énorme merci pour toutes les marques de soutien, il y a tellement de monde que je ne peux pas remercier nommément tous les copains », confie Jérôme.


Propos recueillis par Bruno Valette ©

 

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