Pierre Courroye, la domination d’un jeune Champion

De l’avis général de ses adversaires, Pierre Courroye était intouchable. Il paraissait impossible, cette saison, de lui contester le titre. Car si dans l’esprit de ses rivaux la McLaren au volant de laquelle il évoluait semblait être une arme redoutable, il était indéniable que le talent du jeune Franc-Comtois prenait une part importante dans la domination dont il a fait preuve.

Troisième du Championnat de France Production l’an dernier, vainqueur de deux manches de ce même Championnat, Pierre Courroye aurait pu conserver la Porsche 991 qui se présentait comme une auto performante, mais évolue habituellement en Coupe de Marque et qui est donc régit par un règlement très strict. Mais le jeune pilote de Vesoul avait l’intime conviction qu’il pouvait concrétiser son souhait d’accrocher le titre, en faisait le pari osé d’un bolide jamais vu en course de côte, la McLaren MP4 12 C (voir article du 11 juillet 2017 dans lequel Pierre explique son choix).

Invaincu sur ses six premiers rendez-vous
C’est à Saint-Jean du Gard, sur les pentes du Col Saint-Pierre que la McLaren débutait sa campagne de France. Au volant de la belle anglaise, Pierre démontrait d’entrée de jeu qu’il avait fait le bon choix, en devançant ses premiers poursuivants de plus de cinq secondes.

Le week-end suivant, à Abreschviller, il signait un deuxième succès consécutif, confirmant le potentiel de sa nouvelle monture : « Je savais alors que nous avions fait le bon choix », estime Pierre. « Cela répondait à mes espérances, même si je pensais que le changement de voiture allait me contraindre à passer par une phase d’adaptation. Je ne m’attendais pas à m’imposer dès les premières courses, mais finalement, nous avons été performants d’entrée de jeu, ce qui ne pouvais que nous rassurer. »

Ses deux premières victoires, acquises sur des tracés à la configuration très différentes, ne pouvait que conforter Pierre Courroye. Il savait dès lors, qu’il avait les moyens de réaliser son objectif premier, à savoir remporter le titre : « Toutefois je gardais à l’esprit que nous n’étions pas à l’abri de connaitre des problèmes. Au Col Saint-Pierre, lors de la première apparition de la voiture, nous avons eu une panne, que McLaren très réactif, a su régler en temps réel. Avec une auto qui n’a jamais couru en Course de Côte, tu peux t’attendre à rencontrer quelques soucis, mais finalement ce sera notre seul problème technique de la saison. »

Par la suite, Pierre Courroye prenait part à la campagne de l’Ouest durant laquelle les animateurs du Championnat se retrouvaient à Thèreval, La Pommeraye et Saint Gouëno. L’occasion pour le pilote de Vesoul d’inscrire trois nouvelles victoires à son palmarès. Il se souvient toutefois que, par moment, les choses n’ont pas été aussi faciles qu’il n’y pourrait paraitre.

« A Thèreval, je me suis fait ma première petite frayeur de la saison », se souvient-il. « Sur ce tracé il faut disposer d’un excellent set-up, et j’étais encore trop souple en termes de suspension. Sur le haut du parcours, à plusieurs reprises, la voiture m’a échappé ce qui n’était pas idéal pour me mettre en confiance. Mais finalement, sur les montées suivantes tout s’est bien passé. Si je dois faire le bilan, il ne peut être que positif puisque je remporte l’épreuve, mais je ne peux pas dire que je sois pleinement satisfait de ma prestation. »

A La Pommeraye, Pierre allait trouver un adversaire qui aurait bien pu mettre un terme à sa suprématie : « J’affectionne particulièrement ce tracé. Je me souviens qu’en 2015 j’avais signé des chronos au milieu des GTTS alors que j’évoluais avec la Porsche 997 en GT de Série. C’est un tracé typé circuit que j’apprécie particulièrement. Au final, c’est là que Philippe (Schmitter) me donne le plus de fil à retordre », reconnait Pierre qui s’impose avec seulement 845 millièmes sur la Lamborghini de l’Alsacien. « J’ai compris à ce moment-là que je ne pouvais pas me reposer sur mes lauriers. Ça m’a remis un coup de pression, mais cette confrontation m’a permis de prendre énormément de plaisir. »

Pierre retrouvait à Saint Gouëno le tracé sur lequel il signait l’an dernier sa première victoire sur le Championnat de France de la Montagne, ce qui ne manquait pas de le mettre en confiance : « Je savais toutefois qu’avec la présence d’Anthony Cosson, qui affichait clairement ses prétentions, j’allais devoir me mesurer à un adversaire de taille. » Hors de question pour Pierre de laisser le moindre espoir à ce rival d’un jour. « Samedi, j’ai bouclé les essais en tête. Mais les prévisions météorologiques annonçaient de la pluie pour dimanche, et je n’avais jamais roulé sur le mouillé avec la McLaren. Dimanche matin, j’ai fait modifier le set-up pour être dans une meilleure configuration. Je dois reconnaitre que sur les premiers virages, je n’étais totalement pas sûr de moi, mais la confiance est très vite revenue, et j’ai sorti la grosse attaque. C’est payant puisque je réalise un chrono en 1’32’’. » Ce qui permet à Pierre de pointer en tête des Production, et d’occuper la quatrième place du scratch, Sport et Production confondu. La performance du jeune Franc-Comtois ne sera jamais égalée, et c’est avec plus de cinq secondes d’avance qu’il remporte l’épreuve bretonne devant Anthony Cosson.

C’est à Marchampt que l’on retrouvait ensuite Pierre Courroye. Là encore, il ne manquait pas d’imposer sa McLaren, même si ce succès fut entaché par ce qu’il qualifie d’erreur de jeunesse : « Je commençais à prendre un peu trop confiance », reconnait-il dans un large sourire. « Je pointais en tête à l’issue des deux premières montées, mais je n’étais pas vraiment satisfait de ma prestation. A plusieurs endroits j’estimais pouvoir passer plus fort… Bon, ben là c’était trop fort ! J’ai freiné beaucoup trop tard sur une portion rapide, et ça ne l’a pas fait. » S’en suivait un choc violent contre le rail, qui allait occasionner d’importants dégâts sur le McLaren. Le côté gauche : transmission, portière, aile, fond plat, de nombreux éléments étaient passablement endommagés.

« A ce moment-là, dans mon esprit, la saison était terminée », confie Pierre. « C’était un énorme coup au moral, un moment de doute difficile. » Mais c’était sans compter sur la détermination et les compétences de Francis Dosières et de son équipe, qui parvenaient dans un laps de temps très réduit, à redonner vie à la McLaren.

Une auto qui sera finalement terminée le samedi matin, à une heure du début des essais de la Course de Côte de Vuillafans : « Je n’aurais jamais pensé être au départ. Deux jours avant, on attendait encore des pièces pour réparer la voiture, et ma participation me semblait plus que compromise. » L’objectif pour Pierre n’est plus alors de s’imposer impérativement, mais de retrouver la confiance, les sensations, et de marquer de précieux points pour la suite. « Je termine finalement deuxième derrière Nico (Werver), après m’être fait une frayeur dans la parabolique, lorsque la voiture a décroché d’un coup lors de la dernière montée, du fait que je n’avais pas remis un setup d’amortisseur adapté à la « côte ». J’assure les points au Championnat, le bilan est donc pour moi positif. »

Du plaisir à l’état pur !
A Dunières, Pierre retrouvait le tracé du Championnat sur lequel il a le plus couru, puisqu’il compte à ce jour quatre participations à l’épreuve auvergnate. Un tracé qui, de par son manque d’adhérence, ne fait pas l’unanimité auprès des pilotes, mais qui est très apprécié du jeune Franc-Comtois : « J’adore la glisse, donc là je suis servi. Je suis vraiment à mon aise car j’arrive rapidement à trouver la limite. Cela m’a permis d’attaquer d’entrée de jeu et de prendre du plaisir », confie Pierre qui, pour la deuxième année consécutive, remporte cette épreuve.

En termes de plaisir, c’est dans un état extatique que Pierre allait affronter les pentes du Col de la Croix Saint Robert, pour imposer sa McLaren sur la 57ème édition du Mont-Dore : « Je crois que je n’ai jamais pris autant de plaisir au volant d’une voiture de course », analyse Pierre « Le tracé est fabuleux, les paysages magnifiques, les spectateurs omniprésents. Et même si ce n’est pas un tracé rapide, j’ai vraiment pris énormément de plaisir. Et puis battre le record du tracé, qui datait de 2012, sur une épreuve aussi mythique, ne peut laisser indifférent. »

Ce succès au Mont-Dore lui assurait le titre, c’est donc débarrassé de toute pression que Pierre Courroye se présentait au départ de la Course de Côte de Chamrousse, onzième confrontation de la saison : « Le tracé est typé circuit, ce que je ne peux qu’apprécier. Après, il fallait se méfier cette année car le parcours était en partie dégradé. Pour ce qui est du résultat, pour être honnête j’espérais vraiment m’imposer l’an dernier, mais Philippe (Schmitter) me devance de rien (124 millièmes, ndlr). Cette année, c’était important de prendre ma revanche », plaisante Pierre qui à l’arrivée devance Nicolas Werver de quatre secondes.

Au regard de son emploi du temps de mi-septembre, Pierre savait qu’il lui serait impossible d’être présent à Limonest. Il tenait donc à briller sur son dernier rendez-vous de la saison, à Turckheim, où il vient chercher un ultime succès : « Je voulais terminer en beauté, d’autant plus qu’il y avait la présence de Sébastien Loeb et de Romain Dumas, avec bien évidemment énormément de public. Et puis Turckheim offre un fabuleux tracé où tu retrouves du rapide, du technique, c’est une course que j’apprécie énormément et sur lequel j’ai pris beaucoup de plaisir. Je pense que j’améliore le record de plus de cinq secondes, l’ambiance était fabuleuse, c’était vraiment une totale réussite », estime Pierre qui termine donc sa saison par un nouveau succès. Succès et record, puisqu’excepté à Vuillafans, le Franc-Comtois a amélioré cette saison tous les records en Production sur les épreuves du Championnat sur lesquelles il était présent.

Champion de France à 23 ans
A tout juste 23 ans, Pierre Courroye remporte cette année un premier titre de Champion de France de la Montagne Production. Objectif atteint pour le jeune Franc-Comtois qui savoure pleinement cette première consécration : « C’était déjà l’objectif l’an dernier, nous n’y sommes pas parvenus parce que nous n’étions peut-être pas dans la meilleure configuration. Cette année, je disposais avec les pneus Avon de gommes idéales sur tous les terrains. La voiture a parfaitement fonctionné, tout était réuni pour que nous puissions réaliser notre objectif. Finalement, le plus gros du boulot consistait à régler les amortisseurs, et sur les trois dernières courses, nous étions vraiment dans une excellente configurations », confie Pierre, qui oublie juste de dire que l’essentiel du boulot se fait derrière le volant ! « Je garderai à l’esprit, en dehors du titre, que j’ai pris énormément de plaisir au volant de la McLaren, tout au long de la saison. C’était simplement génial. »

Champion en France, Pierre s’est également illustré de la plus belle des manières hors de nos frontières. Au mois d’août, on retrouvait le jeune franc-comtois à Osnabrück, où il se permettait le luxe d’imposer sa McLaren MP4 12C en devançant notamment la Maserati MC12, de l’ex-champion du monde FIA GT1, Michael Bartels. Il récidivait au mois d’octobre en terminant une nouvelle fois en tête des Production à Mickhausen où il plaçait sa McLaren à la neuvième place du classement scratch.

S’il a pu connaitre une saison sans encombre, Pierre le doit à son talent mais également au travail de Francis Dosières et de son fidèle mécanicien, Jeannot Natter : « Je tiens à les remercier, comme je remercie mon partenaire Caffè Latesso pour son soutien. Merci également à McLaren dont le soutien technique fut d’une parfaire efficacité. »

Rien n’est encore clairement défini pour Pierre en ce qui concerne la saison 2018, durant laquelle il devrait logiquement se partageait entre Course de Côte et Circuits : « J’ai plusieurs propositions, que je dois étudier. Je voudrais avant tout disposer d’un bon programme en circuit, et en fonction de mon temps de libre, participer aux épreuves du Championnat de France de la Montagne, pour si possible remettre mon titre en jeu et le conserver. »

La saison dans le cadre du Championnat de France de la Montagne s’est achevée à Turckheim pour Pierre Courroye. Mais ce dernier n’en a pour autant pas terminé avec le pilotage : « J’ai encore deux courses d’Endurance en TTE avec Nicolas Schatz avec qui je partage le volant d’une Norma, à Magny-Cours les 28 et 29 octobre, et sur le Bugatti, au Mans, les 18 et 19 novembre. »

Propos recueillis par Bruno Valette

Retrouvez le portrait et le bilan 2016 de Pierre Courroye.


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