Mais le plaisir est toujours au rendez-vous

C’est au volant d’une Mitjet revitaminée que Jean-Michel Lestienne abordait cette courte saison 2020. L’objectif pour lui était de retrouver la place qu’il occupait par le passé au sommet de la classe GTTS/1. Mais si le plaisir était une nouvelle fois au rendez-vous, les résultats ne furent pas toujours à la hauteur de ses espérances

Si c’est au guidon d’une moto que Jean-Michel Lestienne a pris part à ses premières compétitions dans les années, 70, c’est au volant d’une Mitjet qu’il venait étoffer le plateau du Championnat de France de la Montagne à l’occasion de la saison 2015.

Vainqueur du Challenge Open GTTS/1 à l’issue de la saison 2017, il alignait au départ de la campagne 2018 une magnifique mais quelque peu encombrante Ginetta. L’expérience ne sera pas concluante, et motivait l’assureur marnais à retrouver le volant de sa Mitjet.

Une Mitjet plus performante pour cette saison 2020
Mais saison 2019 sera marquée par des problèmes de santé qui l’empêcheront de défendre pleinement ses chances. Ce n’est pas pour autant qu’il baissait les bras et en compétiteur acharné, c’est au volant d’une Mitjet ’’sur vitaminée’’ que Jean-Michel Lestienne abordait cette courte saison 2020.

Une saison qui débutait par des essais menés rondement avec le Team Schatz Compétition, structure au sein de laquelle il évolue. Des essais indispensables, mais pas suffisants pour être vraiment opérationnel en cette période grandement perturbée par la crise sanitaire : « A vrai dire, je n’ai pas été plus impacté que mes collègues du CFM, nous avons tous été particulièrement gênés par la Covid », débute Jean-Michel. « Et même si nous avons pu faire une journée de préparation sur circuit en juillet avec le Team Schatz, c’était un peu court pour que je retrouve personnellement le rythme habituel des compétitions pour préparer la première course au Mont-Dore. »

En toute honnêteté, Jean-Michel Lestienne reconnait qu’au départ de cette saison il manquait réellement de roulage :  « Je cumulais un peu plus les handicaps, car à la suite de mon petit infarctus survenu en juillet 2019, je n’avais pas roulé depuis plus d’un an, et j’ai vraiment eu du mal à retrouver mon pilotage au fil des courses. C’est à ce moment que l’on se rend vraiment compte du haut niveau de ce Championnat de France. Pas facile d’y revenir quand on l’a quitté pendant quelques mois. »

Mais ce qui tourmentait le plus Jean-Michel Lestienne, c’est que sur les confrontations de la saison passée, sa Mitjet ne lui avait pas permis de tirer son épingle du jeu face à une concurrence disposant de matériel plus affuté. Dans la logique des choses, il se devait de disposer lui aussi d’une auto bénéficiant des mêmes atouts : « Nous avons bien travaillé sur les autos pendant l’hiver, notamment en débridant les moteurs comme l’avait finalement autorisé la direction technique de la Montagne en 2019, sans que ce soit vraiment très clair à ce sujet jusqu’à la fin de la saison », explique Jean-Michel.

« Je ne l’avais pas fait jusque-là pour en être complètement sûr, et puis parce que je roulais aussi parallèlement en trophée Mitjet sur circuit, qui paradoxalement impose un bridage du moteur Kawasaki », précise-t-il. « Pas facile par conséquent de conjuguer les deux disciplines circuit et montagne, avec la même auto, mais avec deux règlementations techniques différentes. »

La nouvelle configuration dans laquelle se présentait la Mitjet obligeait donc Jean-Michel Lestienne a faire l’impasse sur le circuit : « L’auto avait véritablement un comportement différent, comme si ce n’était pas la même. Il fallait retrouver de nouveaux repères très rapidement. Peut-être trop rapidement pour moi ! A 65 ans, il faut évidemment un peu plus de temps pour modifier certains automatismes. » Et cette saison, le temps était réellement compté, puisque six courses seulement, réparties en trois week-ends, figuraient au calendrier du Championnat de France de la Montagne.

Les déconvenues de 2019 auraient pu inciter Jean-Michel à porter son choix vers une autre voiture, mais finalement il décidait de poursuivre dans la voie tracée lors des précédentes saisons : « J’aurais pu me tourner vers ma Ginetta GT4, mais elle n’est finalement pas faite pour la côte contrairement à l’Alpine GT4 ; et puis c’était plus amusant de retrouver les copains de la Mitjet. »

En quête de nouveaux succès
Avec une Mitjet reboostée, une envie dans découdre toujours aussi prégnante, Jean-Michel ne pouvait afficher d’autres prétentions que de vouloir jouer les premiers rôles dans sa catégorie : « Nous sommes tous des compétiteurs, et j’espérais franchement qu’avec les modifications apportées à la Mitjet pendant l’hiver, je sois en mesure de revenir au contact des deux meilleures autos. J’ai vite compris que cela allait être compliqué pour revenir au niveau après une année sans compétition. J’allais devoir composer pour retrouver les bonnes sensations. »

La Course de Côte du Mont-Dore, par laquelle débutait cette année la saison sur le Championnat de France de la Montagne, n’allait pas apporter à Jean-Michel Lestienne les satisfactions espérées : « C’était pour moi la première course de reprise depuis celle de Marchampt en 2019… Un siècle en réalité ! Ce fut un peu la douche froide. Je ne suis pas parvenu à retrouver le rythme et je suis loin de mes temps habituels malgré une auto théoriquement plus performante. C’est un constat qui m’obligeait à réagir. »

Le lendemain dimanche, Jean-Michel se confrontait à nouveau à l’ascension qui permet d’accéder au sommet du Col de la Croix Saint-Robert, et à l’occasion de cette seconde course, il améliorait ses chronos : « C’est un peu mieux, mais loin de mes espoirs. Je suis dans le rythme sur les deux premiers kilomètres, mais je ne comprends pas pourquoi je perds autant de temps sur la seconde partie de la course. Sans doute par manque de compétition sur des courses longues. Ma seule satisfaction pendant ce week-end provient du fait que j’ai été systématiquement le plus rapide sur tous les départs. Comme quoi tout n’était pas perdu. C’est après que ça s’est compliqué. »

Turckheim allait offrir l’occasion à Jean-Michel Lestienne de retrouver un terrain plus à sa convenance. Et si à l’issue de la course disputée samedi, les performances n’étaient toujours pas à la hauteur de ses attentes, la satisfaction semblait être au rendez-vous : « Turckheim, c’est ma course préférée. J’y détient le record en GTTS/1 depuis 2017, et j’étais très content de voir que mon record n’a toujours pas été battu cette année malgré des autos plus performantes. Sinon, même constat qu’au Mont-Dore, je manque toujours de rythme. Je suis loin de mes temps, mais je prends néanmoins du plaisir sur cette fabuleuse course. C’est toujours ça de pris ! »

Comme ce fut le cas au Mont-Dore, Jean-Michel Lestienne allait mettre à profit la course du dimanche pour améliorer ses chronos : « Cela m’a permis de me rapprocher sérieusement de ceux de Godet et Chiocci, j’étais donc sur la bonne voie, mais il restait du travail. D’autant que Tissot nous ’’collait’’ toujours à tous une seconde au kilomètre. C’est peu, mais énorme à la fois. Mais j’ai réalisé finalement le meilleur temps de la dernière montée… A l’usure. »

Cette seconde journée allait malheureusement être marquée par la sortie de route dont allait être victime son complice dans la vie et adversaire sur la piste, Jean-Michel Godet : « C’est vrai que la sortie de route de mon ’’poto’’ Godet nous a inquiété, car il s’était sérieusement blessé à la main. Mais il nous a vite rassuré depuis l’hôpital. Ils allaient le recoudre, et il allait devoir faire attention quelques semaines pour que tout rentre dans l’ordre. »

A titre personnel, Jean-Michel Lestienne faisait alors un constat des plus objectif sur ses prestations : « Après ces quatre premières courses de 2020, Il faut alors juste reconnaitre que je n’étais pas revenu à mon meilleur niveau, et je pense que l’âge avançant, associé à mes petits problèmes de santé de 2019, y sont un peu pour quelque chose. C’est la vie. Ce sont bêtement les effets de l’âge », confie-t-il sans amertume.

Jean-Michel Lestienne pouvait encore espérer tirer son épingle du jeu à l’occasion de la Course de Côte de Bagnols-Sabran, manche de clôture de cette courte saison 2020. Mais malheureusement, il n’aura pas la possibilité de se rendre sur l’épreuve gardoise : « J’ai déclaré forfait à Bagnols pour deux raisons. Des réunions importantes que je ne pouvais remettre se greffaient à mon planning sur le jeudi et le vendredi avant les courses, et une météo catastrophique était annoncée, m’empêchant même d’imaginer arriver dans la nuit de vendredi à samedi pour prendre part à la course sans aucune reconnaissance. On ne rigole pas avec ça à Bagnols. C’est une course difficile sur laquelle il ne faut pas improviser. Il était par conséquent préférable d’être raisonnable pour ne pas casser l’auto, voire de se faire du mal. »

Oublier les performances, garder le plaisir
A l’heure de faire le bilan de cette saison 2020, on a le sentiment que Jean-Michel Lestienne a pris le temps d’analyser en profondeur. Homme de raison, il se veut le plus honnête possible avec lui-même pour assumer pleinement les raisons de ses désillusions : « Le bilan est très mitigé… Je pourrais bien sur trouver toutes les excuses du monde pour expliquer des performances en demi-teinte, mais au fond de moi je crains d’être arrivé à la date limite de péremption de mon corps pour toujours viser le top niveau. D’autant plus que depuis quelques semaines, je rencontre aussi des petits problèmes à un genou cassé en mille morceaux en 1995, et qui se rappelle à moi maintenant », confie-il sans acrimonie mais avec réalisme. « Il faut savoir que le Championnat de France est très exigeant, et si vous avez quelques prétentions à jouer les premiers rôles, comme j’ai pu le prouver par le passé, vous ne pouvez pas faire les choses à moitié. »
 
On le voit, Jean-Michel Lestienne a su parfaitement accomplir une introspection qui lui permet d’aborder l’avenir en se fixant de nouveaux objectifs. La passion est intacte, ce qui devrait le motiver à poursuivre ses activités derrière le volant, mais le plaisir devrait logiquement prendre l’ascendant sur les résultats. Et si tout n’est encore totalement défini pour 2021 de nombreux projets sont dans les cartons : « C’est une question en gestation commune avec mon copain Godet. Notre seul objectif à ce jour pour nous deux, est de prendre notre pied tous les deux sur les mêmes manifestations. Nous avons déjà un programme bien constitué en historique avec nos deux superbes Alfa GTAM. Le bonheur. Parallèlement Jean-Mi devrait participer à quelques courses sur les organisations de Peter Auto, et pour ma part, je verrais si je peux venir faire quelques côtes, si possible avec mon proto électrique ERC 140 qui est désormais homologué. »

Jean-Michel se pose également des questions sur l’avenir de la discipline et l’intégration en course de côte des voitures électriques : « Reste à savoir si la Montagne va évoluer vers ce type de motorisation, et si elle sera capable de s’y adapter. Inéluctablement, elle devra le faire. Mais quand ? Au pire, toujours avec Godet, nous ferions quelques courses en circuit avec ce même proto électrique, si un plateau se constituait enfin en 2021. Tout va dépendre encore de l’évolution de la crise sanitaire. Encore pas mal de projets sympas dans les cartons avant de fermer les compteurs. »

A l’issue d’une saison 2020 quelque peu décevante en termes de résultats, Jean-Michel Lestienne n’oublie pas que le plaisir était une nouvelle fois au rendez-vous et qu’il se doit de remercier ceux qui l’ont accompagné dans cette aventure : « Cette année, compte tenu d’une saison courte et bizarre, j’ai forcément moins de remerciements à faire », commente-il. « Je commencerais néanmoins par remercier le Team Schatz, qui nous a préparé des autos formidables cette année. Nous ne pouvons que nous reprocher de ne pas avoir su les faire fonctionner comme il se devait. Sinon, merci à tous d’avoir été persévérants à organiser ce championnat contre vents et marées. Je profite de cette rubrique pour annoncer que je vends mes deux autos, ma Mitjet, très performante, qui possède un palmarès plutôt impressionnant tant en circuit qu’en côte, et ma Ginetta G55 GT4 qui a permis notamment à Nico Schatz de briller en Championnat de France GT sur circuit. Ces deux autos sont totalement révisées et fiables. »

« Enfin, je ne peux terminer cet interview sans avoir une pensée très émue pour notre ami Jean Turnel, de notre génération des pilotes plus de 65 ans, trop vite disparu, mais qui aura profité de sa passion jusqu’au bout. Bon vent l’ami sur le championnat des côtes du bout du ciel. Tu vas nous manquer. »

 

Bruno Valette avec les infos de Jean-Michel Lestienne ©

 

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